Comédie adaptée de l'oeuvre éponyme de Garson Kanin, mise en scène de Manon Rony, avec Benoit Tachoires, Marie-Charlotte Leclaire, Kên Higelin et Richard Leduc.
Manon Rony signe l'adaptation et la mise en scène, toutes deux réussies, d'une comédie à succès des années 40 écrite par Garson Kanin qui fut également portée au cinéma par Georges Cukor.
Une comédie de boulevard divertissante, drôle et rondement menée, qui se paie, en outre, le luxe de comporter plusieurs niveaux de lecture : une comédie de caractère épinglant certains archétypes de la société américaine des années 40 qui nourrissaient le roman noir, une comédie romantique et une comédie quasi politique sur l'émancipation féminine et les bienfaits de l'éducation.
Un exécrable rustre, self-made man aux affaires florissantes qui font plus que flirter avec la légalité grâce aux conseils avisés d'un brillant avocat dévoyé et éthylique, vient à, Washington pour s'assurer de la collaboration monnayée d'un sénateur. Pour que sa petite amie, qui lui sert également de femme de paille, une ex-danseuse de music hall aussi jolie que niaise et inculte, acquière quelques bonnes manières et un peu de conversation, il engage comme précepteur un jeune journaliste d'investigation.
Voilà "Comment l'esprit vient aux femmes" et comment la ravissante bécasse portemanteau à vison se métamorphose, sous l'effet conjugué du savoir et de l'amour, en femme libre et citoyenne.
La mise en scène de Manon Rony, qui, tout en respectant les règles du genre, pioche dans les effets chers aux comics, est efficace en ce qu'elle impulse un rythme soutenu sans verser dans la frénésie des portes qui claquent, et soutenue par le jeu performant d'un quatuor de comédiens épatants et bien distribués.
Avec son jeu bourru à la Raimu, sans l'accent, Benoit Tachoires est irrésistible en butor malapris, Richard Leduc campe subtilement un exquis avocat perdu dans un monde de brutes qui philosophe entre deux léthargies alcoolisées et Kên Higelin réussit une burlesque composition du paradigme mythique qu'est le super héros caché sous le costume de l'intellectuel à lunettes.
Inutile de chercher bien loin la femme autour de laquelle tourne ce trio de toupies : la pétillante Marie-Charlotte Leclaire, à la fois comique et sensible, porte à son apogée la figure de la jolie poulette gouailleuse, fleur plébéienne moins creuse comme un navet qu'il y paraît, pour qui le comble du bonheur se résumait à être un porte-vison et qui se prête facétieusement à la pygmalisation. |