Pièce historique écrite et mise en scène par robert Poudérou, avec Jean-Luc Teynier, Valérie Trémolière et Bedu Jossia.
La pièce historique demeure un sujet périlleux. .
Robert Poudérou, fermant les yeux, s'est transporté dans la tour ronde ce ce château du Périgord où l'homme-philosophe aborde la plus grande des leçons: sa mort, si souvent commentée, jusque dans l'amour de la vie.
A ses pieds, le coffret du "Journal de voyage". Sous ses mains, un écritoire. Et à ses côtés, la femme fidèle et loyale, née Françoise de la Chassaigne. Les armes se sont tues. L'Histoire de France se repose pour quelque temps. La douceur du soir tombe sur cette terre verte et sombre d'où monte une odeur d'humus.
Montaigne ouvre les yeux. Sa femme est là, infirmière scrupuleuse, digne dans ses froideurs, jeune par ses regrets. Elle reproche au philosophe ses facilités de pensée d'homme, des éclairs qui la foudroient, elle, femme, et sa femme, dont la postérité pourrait peut-être imaginer qu'elle les lui a inspirés. Il se défend, mal, car le créateur ne sait rien de ses inventions et le philosphe, pour lequel c'est encore plus cruel, bien peu de la course de ses pensées.
Alors, il rêve, et revoit la petite Marie de Gournay, sa fille d'alliance, qui, elle, ne va pas le gourmander. Mais si ! Femme qui lit, elle-aussi, elle relève des citations qui offensent son sexe. Avec plus de douceur, il saura se défendre mieux. Ainsi, il faut toujours se défendre. Comment ne pas songer alors à ce compagnon "sous le portique", à La Boétie, cet Autre idéal, ce frère de sang et de pensée ? Disparu... Et disparu le miracle de la compréhension immédiate et muette.
Dans "Montaigne ou Dieu que la femme me reste obscure", Robert Poudérou donne vie à ces derniers instants de vie, à ce crépuscule orange qui peint d'or le beau visage antique de ce philosophe aimable et aimant l'Homme, qui jouit de son être et d'être.
Des comédiens inspirés, Jean-Luc Teynier, Montaigne au dernier sourire, plus doux qu'au zénith, Valérie Trémolière, mutine petite Gournay, subtile, touchante et enfin Jossia Bedu, rayonnante madame de Montaigne, dame à clefs et à serrures, bonne et inflexible, qui offre une composition où le métier et la grâce se défient.
Avec ce Montaigne des derniers pas, dont il signe lui-même la sobre mise en scène, dans une langue claire de l'intimité, Poudérou n'a d'autre objet que de le peindre...tel qu'en lui-même.
Et c'est oeuvre accomplie. |