D’abord la réalité d’une époque et d’une affaire qui a fait, en son temps, beaucoup de bruit, et dont les pages d’Histoire du 7ème Art font aujourd’hui encore, les échos. Celle d’une vedette, le "gros" Fatty, acteur et réalisateur burlesque, qui voit brusquement son statut de star déboulonné et foulé au pied par la presse.
Une histoire vraie dans laquelle Dashiell Hammett, pas encore auteur, mouilla sa chemise.
Le cinéma, et particulièrement Hollywood autrement appelé "Le jardin du diable", titre du roman d’Ace Atkins, n’a pas bonne presse. Et lorsque les coups fourrés sont de sortie pour casser la notoriété d’une star, alors croyez-moi, les patrons de médias ne sont pas les derniers à ce" jeu de massacre". Et lorsque qu’il s’agit d’un magnat comme Hearst (voir le célèbre film d’Orson Welles, "Citizen Kane") qui a une dent contre Fatty, alors tout est permis. Tout au long du livre, la transpiration nauséabonde de la vengeance rend vos mains collantes de sueur.
Ace Atkins nous a concocté un roman cinématographique où chaque page résonne des touches sourdes de la célèbre machine a écrire C.C Smith, achetée par un détective de l’agence Pinkerton, souffreteux. Toute la finesse est historique et vraisemblable. C’est la grande crédibilité du roman. Cette possibilité de rencontre entre Dashiell Hammett encore détective (mais plus pour longtemps) et le comédien Fatty et le monde du cinéma, dans cette drôle d’affaire.
Cette étonnante machination !
Nous sommes au centre du Paradis avec en levée de rideau une partouze qui tourne mal, signant sans qu’il s’en doute, l’arrêt brutal de la carrière du comédien, seul rival du jeune Chaplin. Là s’arrête la description, vous en savez déjà trop de ce "jardin du diable" qui nous plonge, tête la première, dans le cruel monde du 7ème Art. Lorsque le patron de studio n’est autre que Zuckor (Paramount) alors vous pouvez vous attendre à une colère glacée. C’est que, cher lecteur, on n’aime pas, mais alors pas du tout, dans le cinoche que les scandales éclaboussent l’industrie du rêve mille fois crucifiée par les ligues puritaines.
La description du milieu dans lequel vogue, le temps de son enquête, Hammett mérite que l’on s’y arrête. Les portes du Paradis s’ouvre sur l’enfer des partis et de la prohibition qui coule à flot, des mensonges et de la névrose, des petites et grands mensonges et escroqueries, des médecins pourris, de l’hypocrisie et autres coups bas (il faut savoir se protéger).
Cette mise en abîme découverte par Hammett, futur jeune père et déjà malade, est à la fois ahurissante et désabusée. Tout au long des pages il transporte sa haute dégaine maigre, tel un dur à cuire ne croyant déjà plus à rien, autre naturellement qu’à sa famille. Il est là, même dans l’absence.
Lire avec fascination toute la partie du procès et de la description fine du comédien Fatty que l’on prend tout d’abord pour un gros balourd sans volonté, balloté, et qui se révèle bigrement psychologue. Lire encore et particulièrement comment l’acteur démontre que le monde n’est que comédie ! Avec cette étrange impression que la réalité/vérité est du côté des clowns. Une descente sans fard, brute, inachevée dans une époque aux frontières du sonore où le cinéma est en passe de devenir une industrie lourde.
Si le roman de Ace Atkins se lit comme on regarde au cinéma un polar de la Warnern, c’est simplement parce que le "goût" cinématographique nous chatouille les papilles, dès les premières lignes, et ne nous quitte plus. Ici l’histoire du 7ème art et le polar des "durs à cuire" ne font qu’un. Une bien belle alliance qui donne ici, au genre, ses titres de noblesse.
Tous à votre bouquin ! |