Comédie dramatique de Thierry Debroux, mise en scène de Georges Guerreiro, avec Frédéric Landenberg et Aline Gampert.
Peu de gens le savent, mais la célèbre histoire du docteur Frankenstein fût écrite par une toute jeune femme (19 ans à peine), Mary Shelley, en réponse à un défi lancé par un ami de son poète de mari, un soir d'orage afin de tromper l'ennui des convives.
Comment un tel récit d'épouvante, "à faire dresser les cheveux sur la tête", celui d'un savant fou déterrant les cadavres pour insuffler la vie aux membres des disparus et perdant finalement le contrôle de sa triste créature, a-t-il pu germer dans le cerveau de la si jeune Mary Shelley ? Quel traumatisme personnel se cache derrière le mythe ?
Tel est le point de départ de "Mademoiselle Frankenstein" écrit par Thierry Debroux, fiction inspirée de faits réels, et mettant en scène une Mary Shelley, de dix année plus vieille qu'à l'époque de la parution de son roman, et retournant un autre soir d'orage sur les lieux de l'écriture de son livre, accompagnée d'un homme mystérieux, Lazzaro Spallanzani, qui cherche à tout prix à connaître l'histoire de la genèse du mythe.
Ce huis clos psychologique, dans lequel les deux personnages s'affrontent constamment, naviguant entre violence et séduction, raison et ésotérisme, confidence et manipulation, nous hypnotise littéralement, faisant peser en permanence sur le spectateur la palpable tension qui entoure les personnages.
A la mise en scène, Georges Guerreiro, en épurant le plateau et en confinant l'espace de jeu au minimum créant ainsi une intimité propice, a laissé la part belle, mais d'autant plus délicate, au jeu des comédiens : Aline Gampert et Frédéric Landenberg.
Ceux-ci s'emparent avec force et subtilité des identités troubles et interchangeables du créateur et de la créature, de la victime et du bourreau, de l'inquisiteur et du thérapeute. La force émotionnelle qui se dégage ainsi de cette relation mouvante est intensifiée, et le spectateur, partie prenante du drame qui se joue sous ses yeux, est invité à se questionner.
Car en nous racontant l'histoire de cette femme et de cet homme du XIXème siècle par le prisme de la psychanalyse, Thierry Debroux revisite le mythe de la créature et de son créateur en les rendant proche et humains. Il nous interroge, nous, spectateur du XXème siècle sur nos comportements actuels : ceux d'une société qui joue à bien des niveaux au docteur Frankenstein et se voit dépassée peu à peu par ce qu'elle a engendré. |