Entretien
avec François Floret, directeur de la Route du Rock
Sans lui la Route du Rock, summum des festivals rock français,
n'aurait pas résisté aux problèmes de pluie,
de subventions, ou de budget. François Floret est un passioné
et, depuis 14 ans, il passe son temps à faire vivre cet evenement.
Il nous a reçu dans les locaux de Rock
Tympans pour une belle discussion d'avant festival.
La Route du Rock, c'est trois jours de concert. Mais combien y'a-t-il
de personnes pour tout organiser ?
A l'année nous sommes deux : moi même
et Alban Coutoux. A partir du mois de mai, les stagiaires arrivent
sur différents postes et nous nous retrouvons à 15
en production pure. Il faut ajouter à cela un peu moins de
600 bénévoles et environ 60 salariés intermittents
du spectacle sur tous les postes techniques ou d'aménagement
du site.
Il y a deux personnes à l'année
: est-ce que Rock Tympans en profite pour organiser d'autres évenements
que la Route du Rock ?
En fait on aimerait bien qu'il y ait plus de choses
mais c'est toujours une histoire de budget. Rock Tympans a historiquement
fait beaucoup de concerts à Rennes et on cherchait à
faire quelque chose de plus ambitieux. Seulement il y avait deja
les Trans et donc plus de place pour quelque chose d'important en
ville. C'est alors que nous avons rencontré un malouin qui
nous a proposé de faire un festival sur Saint Malo tout en
gardant quelques concerts à Rennes. Notamment Radiohead devant
une centaine de personnes. Nous sommes tous rennais de toute façon.
Au fil du temps, la RdR demandant de plus en plus
de boulot, nous avons réduit le nombre de concerts. Il nous
est toutefois arrivé l'année dernière de faire
une prestation de services pour Indochine en faisant une promotion
locale pour le X-Festival ainsi que le concert de Christophe à
Rennes, pour le plaisir. Donc pour le moment à l'année
c'est la Route du Rock mais on a envie de profiter de notre expérience
pour faire un deuxième évenement en hiver.
Quel est le cheminement entre le choix d'un groupe
et le concert ?
Il y a deux choses : d'abord les propositions d'artistes.
Les agents français nous connaissent bien et nous envoient
à la fin de l'année un catalogue avec les artistes
qui tournent et qui sont susceptibles d'être disponibles au
mois d'août. Ensuite de notre côté nous passons
nos journées à écouter de la musique et nous
avons aussi des idées sur ce qu'on a envie d'entendre à
la Route du Rock. On n'a pas forcément besoin d'avoir un
catalogue et on cherche l'agent en France ou on passe en direct.
On ne fonctionne qu'au coup de coeur mais on est, comme tous les
événements de ce type, bombardés de pressions
de toutes parts.
Je voyais plutôt une difficulté pour
obtenir les artistes...
Difficulté d'avoir des têtes d'affiche,
oui. Mais d'une manière générale on n'a pas
de difficulté à trouver des groupes. La programmation
est établie à deux, et ensuite Alban envoie les mails,
contacte les agents. Et il est vachement tenace, il ne lâche
pas. Ca a été facile cette année. Le seul problème
c'est que le festival a la réputation d'être défricheur,
découverte d'artistes et donc les agents pensent que les
têtes d'affiche n'intéressent pas la Route du Rock.
Ce qu'ils n'arrivent pas à comprendre c'est que notre rêve
absolu c'est d'avoir les Pixies, Radiohead et Bjork. On pourrait
même demander à ces trois groupes de choisir la programmation
de chaque journée. Non, vraiment, notre grand rêve
c'est d'avoir trois noms qui explosent les scores de la fréquentation
et qui permettent de prendre des risques. On aimerait bien avoir
les moyens financiers des Trans au lieu de courir les têtes
d'affiche. Mais bon, les gens trouvent déjà que le
festival est audacieux.
Oui, l'année dernière par exemple
a eu moins de succès à cause de la programmation
Oui mais pas seulement. Je pense que les gens ont
aussi été inquiets par rapport aux intermittents.
En 2002, on a eu le festival gaché par la flotte. C'est également
traumatisant. Je n'ai jamais regardé le concert de Programme
en vidéo car ça me rappelle trop de mauvais souvenirs.
Je les vois encore jouer sous la flotte qui tombait à torrents.
C'était énorme, super extrême.
Et l'année dernière, je ne sais
pas ce qui s'est passé, mais au mois de janvier on avait
PJ Harvey, Beck et Morcheeba à la Route du Rock. Quand on
te déshabille ces trois groupes là, c'est difficile
de les remplacer et la programmation devient rapidement très
pointue... Et ces groupes là se sont retrouvés à
Rock En Seine, je ne ferai pas de commentaires.
Imaginons que les têtes d'affiche de cette
année remplissent le Fort, quel est la capacité maximale
?
12 000 personnes par soir. Ca n'a jamais été
atteint : on a approché les 12 000 avec Muse en 2001 et on
a fait plus de 12 000 en 98 mais c'était en extérieur,
ce n'était pas dans le Fort de Saint-Père. Pour Portishead
et PJ Harvey.
Pendant le festival Art Rock, un journal sur les
festivals a été annoncé. Vous en faites partie
?
Oui bien sûr. C'est une initiative du directeur
des Eurockeennes avec lequel je m'entends super bien. C'est un projet
qui réunit des festivals amis, dans le sens, qui font cela
pour la passion. C'est une présentation de festivals européeens
(Vieilles charrues, Art rock, Furia, etc). C'est un magazine gratuit
où chacun fait la promo d'autres.
Est-ce que vous êtes toujours en relation
avec Bernard Lenoir et France Inter ?
Oui bien sûr, on a d'ailleurs fait une interview
chez lui récemment. Le rapport qu'on a avec lui est d'abord
un partenariat officiel avec France Inter depuis la première
édition dans le Fort avec des spots et des interventions
dans l'émission. Et ensuite Lenoir est parrain du festival.
Il vient avec des moyens importants, il enregistre les concerts
et les diffuse à la fois en direct et pendant l'hiver.
Quels sont vos rapport avec Saint-Malo ?
Comme dit Alban, avec la ville, c'est "Je
t'aime moi non plus, sans le je t'aime". On n'arrive pas à
comprendre. La ville a plusieurs fois voulu se désengager
du festival. A des moments on espère que c'est bien reparti
mais franchement on se sent méprisés. On est vraiment
un délire de jeunes dans la tête de certains malouins.
On a uniquement senti un soutien de la ville quand on a eu un article
dans Le Monde. Ils n'ont pas besoin de nous au mois d'août
pour faire du monde et la plupart des élus ne savent pas
ce que c'est que la Route du Rock. Ils ne comprennent pas, ils nous
reprochent de ne pas faire un festival grand public comme les Vieilles
Charrues avec des artistes très populaires. Un festival comme
Bobital leur plairait bien.
Pourquoi s'étendre au delà du fort
? toucher un autre public ? suite à une demande de Saint-Malo
?
C'était notre initiative pour montrer à
Saint Malo ce qu'on pouvait faire. Mais ce sont eux qui nous donnent
l'autorisation et cette année, pour la plage, cela a été
très difficile. J'ai appris dans le journal du pays malouin
que les siestes musicales seraient annulées. Il a fallu des
articles dans Ouest France et un reportage de France 3 pour obtenir
de nouveau l'autorisation, mais sur une autre plage, la plage de
l'éventail, en dessous du casino. Cela dit, les siestes musicales
ont eu un grand succès l'année dernière avec
de bons DJs et un partenariat avec la Fnac. Et le Palais du Grand
Large était presque complet sur les trois soirs.
On ne peut toutefois pas le rentabiliser mais on
considère que c'est très important car ça présente
une autre scène musciale beaucoup plus intimiste que l'on
ne peut pas forcément présenter dans le Fort. On a
même réfléchi à ajouter un troisième
groupe par jour au Palais. Il y a tellement de groupes de folk,
de lo-fi ou d'electronica qui nous excitent... L'année dernière
la programmation de Black Dice au Fort n'était pas bonne.
Ils auraient été beaucoup mieux au palais.
Pour terminer, peux tu parler du festival en 3
mots ?
Le premier mot c'est frustration. Non, on va commencer
par bonheur et frustration. Et puis fierté. On est fiers
de ce qu'on fait et on est très heureux. Mais les gens ne
peuvent pas imaginer chaque année comment on avait imaginé
le festival et comment au final il est rendu. Il y a une différence
énorme. Il y a plein de groupes qu'on voulait et qu'on n'a
pas réussi à avoir et ça c'est une grosse frustration.
Par exemple Belle and Sebastian qui a annulé alors qu'ils
étaient confirmés pour le vendredi. On les a remplacé
par Tindersticks qui a annulé aussi. On les a remplacé
par The Kills. Ou aussi !!! qui nous avait bouleversés aux
Trans. On a travaillé six mois sur le dossier. Et la réponse
négative on l'a eu il y a trois semaines.
Froggy's Delight souhaite un grand festival à François
et à toute l'équipe de la Route du Rock que nous suivrons
jusqu'au 15 août !
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