Réalisé par Dominique Margot. Suisse. Documentaire. Durée : 1h29. (Sortie le 30 mars 2011). Avec Moussa Ag Keyna et Aminatou Goumar.

"Toumast", en tamasheq, la langue des Touaregs, cela signifie "identité". C’est le nom que Moussa Ag Keyna a donné à son groupe de "rock" pour continuer le combat de son peuple autrement qu’avec une kalachnikov.

Car les "hommes bleus", coincés principalement entre le Mali et le Niger, doivent combattre par tous les moyens pour prétendre espérer continuer à exister. Surtout que sur leur territoire de transhumance traditionnel le sol regorge d’uranium et attise toutes les convoitises.

À l’heure où les bons bombardent le méchant colonel, dernier soutien des Touaregs, il n’est pas difficile de penser que "Toumast" doit hausser le niveau ses décibels pour se faire entendre. En accompagnant Moussa et Aminatou Goumar, sa compagne et partenaire du groupe, entre ici et là-bas, entre guitare et kalachnikov, Dominique Margot combat le manichéisme toujours renouvelé.

Armés par Kadhafi, les Touaregs, dont certains luttent aujourd’hui à ces côtés contre la coalition occidentale, sont face à une hydre à mille têtes étatiques, industrielles et religieuses. Que peut ce peuple à part, coincé entre Al-Qaida et Areva, entre l’Islam et la Françafrique ? Quand le sort de la Libye sera scellé, que lui adviendra-t-il ?

Le documentaire de Dominique Margot traverse sans les éluder tous les périls géopolitiques et géostratégiques qui menacent l’avenir physique d’un peuple quasi-mythique. Il veut cependant croire que le pouvoir de la musique allié à la beauté de ses hommes et de ses femmes durs à toutes les souffrances, et confrontés à un environnement sublimement hostile, est une arme de résistance efficace.

"Toumast" est un cri utopique qui montre sans chercher à démontrer. Les yeux des caméras de surveillance du monde entier sont peut-être braqués sur Tripoli.

N’empêche que c’est un peu plus bas, dans le désert, que se joue une partie encore plus importante. Si l’Humanité ne veut pas perdre son restant d’humanité, elle doit comprendre que l’uranium ne doit pas avoir la peau des frères et des sœurs de Moussa et d’Animatou en polluant leurs points d’eau et en désorganisant leur société.

Le mince espoir, c’est que le rock fusionnel de "Toumast", qui mêle hardiment les guitares électriques et la transe traditionnelle des Touaregs, a fait des émules. Dominique Margot filme aussi Tilwat, un groupe de femmes qui mélange aussi les instruments traditionnels et les guitares électriques. Composé de femmes célibataires ou de veuves de combattants, Tilwat se produit avec un grand succès dans le Nord Mali et révèle un des traits spécifiques de la société touareg : la soumission féminine n’y est pas naturelle.

Que la guitare triomphe de la kalachnikov, que les belles images de Dominique Margot aient raison de toutes les mauvaises pensées, c’est ce qu’on souhaitera en serrant les poings. "Toumast" est à voir et à entendre*.