Sus à l'hypocrisie ! Oui, ça me faisait plaisir d'apprendre que The Human League sortait un nouvel album, même si je n'avais pas écouté ceux des années 90. The Human League, le groupe type de garçons coiffeurs des années 80, avec deux shampouineuses pour les back vocals.
Pour beaucoup en France, The Human League reste le groupe d'un seul tube, "Don't you want me" qu'on retrouve sur toutes les compils années 80 en vente chez les bons charcutiers. Pour ceux qui ont un plus de mémoire, il y a eu aussi "The Lebanon", chanson pop absolument réussie, rythmée pour faire danser sur un sujet sérieux, mêlant synthés et guitares, la voix de Phil Oakey et les choeurs de Joanne Catherall et de Susan Ann Sulley en parfaite harmonie.
Puis surtout il y a eu l'album Dare en 81. Une ribambelle de tubes dont "The things that dreams are made of". "Joey, Johnny, Dee Dee..." à une époque où seuls quelques punks portaient un badge des Ramones sur le revers de leur veste en cuir avec un A entouré d'un cercle dessiné au blanco dans le dos. Donc bien avant que des stylistes transforment les Ramones en une marque déposée et réussissent à convaincre des gamins de 12 ans de porter leurs t-shirts parce qu'il y a un aigle sur le logo. Teenage Lobotomy.
Oui, au début des années 80, The Human League était un groupe crédible. Avant "Don't you want me", il y avait eu deux albums de synthpop exigeante, presque expérimentale, Reproduction et Travelogue. Les membres du groupe étaient des worker-class heroes, cultivaient l'androgynie et le dandysme, se revendiquaient de l'esprit punk, et avaient trouvé la recette gagnante entre la voix profonde de Phil Oakey et les harmonies vocales de Susan Ann Sulley, la blonde, et de Joanne Catherall, la brune. Bowie avait même dit de The Human League qu'ils étaient l'avenir de la musique. Ensuite il faut bien reconnaître qu'il y a eu quelques ratés, comme la participation de Phil Oakey à la BO de Electric dreams avec le producteur disco Giorgio Moroder, ou le sirupeux "Louise" qu'on déconseille à tout diabétique.
C'est donc avec une petite excitation et beaucoup d'appréhension qu'on met le disque sur la platine, parce qu'on les sait capables du meilleur comme prêts à se vautrer avec délectation dans la facilité.
Bonne nouvelle, The Human League est sortie des années 80 et ne nous sert pas le synthé vintage auquel on s'attendait. Mauvaise nouvelle, ils se sont arrêtés en 1995, sur le parking du Macumba Club dans les faubourgs de Sheffield.
Ce qui choque d'abord à l'écoute de ces nouveaux morceaux, c'est l'utilisation à outrance du voxcoder, alors que les voix de Phil, Joanne et Susan Ann sont toujours aussi mélodieuses. Le gros hic vient surtout de la production. Bien que I Monster, le duo de produteurs pour ce disque soient reconnus, on a néanmoins l'impression d'un remix par Motiv8, le producteur anglais qui ripolinait les Spice Girls, et avait réussi l'exploit de massacrer Common People de Pulp. I Monster semblent avoir un avenir radieux de créateurs de jingles pour la pub, mais pour le bien de la musique, on leur demande solennellement de ne plus s'approcher d'une console de mixage.
Certes, Credo n'est pas dépourvu de facilités et de chansons dispensables. "Night People", le single taillé pour que Philippe Katerine s'éclate au Louxor est une vraie scie musicale. Efficace à la troisième écoute car elle ne se décroche plus de votre cerveau, on a pourtant envie dès la première écoute de zapper après à peine deux minutes. On retrouve la marque de fabrique de The Human League dans les voix de "Egomaniac", mais la production destinée à onduler son corps sur la piste – en s'accrochant bien à son déambulateur parce que c'est dangereux arrivé à cet âge-là – pourrit une chanson qui aurait pu être efficace.
On préférera "Single Minded", "Get Together"ou le très léger "Sky" qui sont de belles réussites mélodiques, voire "Electric Shock" ou "Breaking The Chains" pour danser malgré, encore une fois, quelques excès putassiers lors de la production.
Pour les plus valeureux, les plus inconscients, ou plus vraisemblablement les plus nostalgiques, il y a aussi les remix de "Night People" réunis sur un même EP. Malgré des paroles ("There is a place that only the night people know") aussi profondes qu'un pédiluve, la mélodie plate et l'usage intensif du voxcoder, passons quand même cet objet au crash test ! Les trois premiers titres sont les "single version", le "radio edit" et l'"album version" qui ne diffèrent que par la durée. La production est toujours à usage exclusif des soirées infirmières, option boucherie-charcuterie, du nord de l'Angleterre. Ensuite vient un remix par Cerrone, le type qui portait des pattes d'éph' et une chemise pure synthétique dans les années disco quand il chantait "Supernature". Phil Oakey a dû le rencontrer à la maison de retraite en allant rendre visite à Giorgio Moroder. Pas exactement un remix de première fraîcheur. Ensuite le "Mylo remix" se veut plus musclé, quelques bip-bips au départ avant qu'une rythmique plus funky ne vienne soutenir le tout, pour un résultat plutôt réussi. L'"Emperor remix" est basé sur une boucle qu'on dirait extraite de "Funky Town" de Lipps Inc. Auteur d'un remix radoteur, on soupçonne Monsieur Emperor de jouer aux dominos à la maison de retraite avec Cerrone et Giorgio. Quant au Villa remix, il semble être le fait d'un remixeur house atteint de la manadie d'Alzheimer, qui oublie la fin de ses phrases à peine après les avoir commencées. Trop d'acides frelatés au début des 90's sans doute.
En conclusion, l'album malgré une production peu ragoûtante permet de retrouver l'esprit mélodique qu'on aime chez The Human League sur une bonne moitié des chansons. Quant au single de remix, c'est exactement le genre d'objet que les héros de Shaun of the dead auraient lancé sans aucune hésitation à la tête d'un zombie agressif. D'ailleurs, même en cherchant bien, on ne voit pas quelle autre utilité on pourrait en avoir.
Dernière information pour ceux qui comptent aller voir The Human League en concert à Paris au Trianon en avril, mieux vaut vous prévenir avant afin d'éviter un choc : Phil Oakey est désormais chauve, envolée la superbe mèche brune qui tombait sur les yeux soulignés au mascara. Quant à Joanne et Susan Ann, elles ressemblent à Patsy et Edina d'Absolutely Fabulous, un petit pot à tabac brun et une anorexique blonde botoxée. Bon concert ! On s'y croisera peut-être. |