Ça commence comme une première démo Møn, post-rock ample et appliqué, où les langueurs des cordes tutoient les explosions soudaines des guitares. Mais ça ne s'arrêtera pas là. Après près de cinq années de silence, tout au moins discographique, il fallait que Møn revienne avec un projet ambitieux. La formation a encore une fois connu divers changements, finalement stabilisée autour de huit membres, auxquels viennent s'ajouter cinq invités, pour un rock orchestral tout en nuances.

Loin des clichés éculés (lente intro-crescendo-explosion-decrescendo-outtro), Møn a appris à donner à ses compositions une véritable nécessité interne qui, au plaisir du son et des ambiances bien senties, rajoute celui d'être emmené comme par la main dans un univers riche et complexe. Chacun des neuf titres de l'album semble ainsi suivre une direction propre, obéir à une logique interne différente. "Lukrym" est lyrique, "Daak tyle rhak" héroïque, "Rebrühn" apaisé, "Kâhrs" explosif, "Voein" presque groovy, "Finne" léger... Au-delà du jeu des adjectifs, forcément trop pauvre, on aura le plaisir d'un album qui, avec beaucoup de cohérence dans les sonorités, sait ne jamais se répéter.

On songera, en vrac et selon les moments, à : Silver Mt Zion, Magyar Posse, Bell Orchestre... C'est dire dans quelle cour joue désormais Møn. Reste à souligner le soin apporté à l'objet-disque, peu surprenant de la part des parisiens de Møn, encore et toujours autoproduits : la pochette digipack est assemblée et décorée à la main, l'édition limitée à cinq cents exemplaires, numérotés. Pour que la plaisir de l'écoute aille, s'il se peut, au-delà d'un simple fichier encodé à 96 kbps.

Rien que pour cette approche, autonome mieux encore qu'indépendante, respectueuse surtout de l'auditeur ; rien que pour sa persévérance, années après années et malgré les difficultés qu'il y a à réussir à proposer une œuvre sortant des sentiers battus à un public qui ne serait pas seulement confidentiel ; rien que pour l'intégrité de sa démarche, Møn rock orchestra mériterait bien louanges ; que dira-t-on alors quand Sikfor Harenstrüp in 326 Øllegårt se révèle si riche, si envoûtant ? Plus qu'un retour réussi, pas loin d'une révélation.