Réalisé par Gore Verbinski. Etats Unis. Animation. Durée : 1h40. (Sortie le 23 mars 2011).
Depuis que l’animation ne rime plus nécessairement avec le dessin animé, arrivent de temps à autre des films qui ne ressemblent à rien de déjà vu.
C’est le cas de "Rango", premier véritable western spaghetti américain, dans lequel un caméléon chevauchant une autruche peut être poursuivi par des chauve-souris dirigées par des castors.
On connaît Gore Verbinski pour ses trois "Pirates des Caraïbes" et l’on oublie qu’il est aussi le réalisateur de "La souris", dans lequel transparaissait le même humour absurde que dans "Rango". Un humour pas nécessairement enfantin et qui renvoie plutôt à certaines bandes dessinées pour grands adolescents des années 1970.
En l’occurrence, c’est à Moebius que semble se référer Verbinski.
Dessinateur du lieutenant Mike Blueberry, qui serait à l’aise dans cet atmosphère de western poussiéreux, Moebius a également imaginé des dizaines de créatures de science-fiction pas très éloignées de la ménagerie hétéroclite de "Rango".
Avec un tel parrainage supposé, Gore Verbinski ne tombe pas dans un travers irritant de nombreux films d’animation qui cherchent à la fois à attraper les petits et les grands : un second degré assez cynique et souvent primairement systématique. Dans "Rango", rien de tel. On va jusqu’au bout de la logique des situations et l’on respecte le cahier des charges : on a dit qu’on allait être dans un western et on en respectera les codes sans jamais trop les parodier. Verbinski se permet des clins d’oeil, mais il ne se moque pas du genre, dont il conservé l’épique et la poétique.
Au moment où la fratrie Coen commet avec "True Grit" les pires contresens westerniens, Verbinski, au contraire, retrouve l’esprit des petits westerns sans prétention, qui plus est en réussissant à fusionner Leone et Boetticher.
On sera donc en phase avec ce caméléon mythomane forcé de devenir le héros qu’il prétendait être. On appréciera les nombreuses trouvailles qui parsèment le film et qui l’empêchent de succomber dans le vice de la plupart de ses superproductions : l’utilisation jusqu’à la lassitude d’une esthétique de jeux vidéos.
Bref, à l’heure où surgissent de nouveaux champions de l’effet (David Fincher, Zack Snyder, Darren Aronofsky) pour remplacer les anciens (Steven Spielberg, Martin Scorcese) ou concurrencer les rois du moment (Joel et Ethan Coen, Tim Burton, David Cronenberg), on peut espérer qu’en sortant de la piraterie, Gore Verbinski va incarner une nouvelle voie.
Allez ! En exagérant, on affirmera qu’il y a quelque chose de fordien chez Verbinski. Voilà une raison largement suffisante pour ne pas rater "Rango". |