Comme on me l'a souvent répété, j'ai un problème avec l'enfance, peut-être parce que les enfants m'effraient et que je les considère comme les êtres humains les plus profondément méchants qu'il puisse exister. Cependant, toute production artistique se reliant au monde de l'enfance me touche de manière presque systématique (Le voyage d'Oregon fait partie de mes livres préférés de tous les temps alors qu'il est écrit à la base pour des Ce1/Ce2).
A l'heure où vous, courageux lecteur pourfendeur des modes et des dogmes fascistes, lirez ces lignes, vous aurez probablement lu partout que Connan Mockasin a une vision du monde "délicieusement décalée et merveilleusement enfantine". Ce qui est complètement con. Jamais un enfant ne pourrait ne serait ce que concevoir la musique du londonien, son esprit est beaucoup trop étriqué pour cela. Et je n'ai aucune confiance dans une chose pouvant se trouver à l'aise dans ses propres déjections. Jamais un enfant ne pourrait aimer cette musique. Ça le ferait pleurer.
Comme les clowns, la musique de Connan Mockasin porte en elle un aspect menaçant, une certaine idée de la déchéance et de la condition tragique de l'être humain condamné à interpréter un rôle qu'il déteste. C'est en tout cas ainsi que j'ai toujours vu les clowns et l'album Tweedles des Residents n'a fait que confirmer cette idée. C'est tout le côté malsain de l'enfance qui ressort, peuplé de cauchemars dans le placard et de bruits bizarres.
En tant que jeune adulte, cela veut dire que cet album est le truc parfait à écouter lorsque vous venez de passer deux nuits consécutives sans dormir. Tout votre organisme semble alors être constitué entièrement de verre et chaque note semble faire vibrer cet ensemble fragile avec une intensité étonnante. Arrivé à ce stade, les titres se mélangent et la chanson en tant qu'entité isolée ne possède plus qu'un intérêt limité. C'est l'étirement de l'ensemble sur la durée qui en fait une expérience. Au sens ici d'engagement dans une situation de mise à l'épreuve. Ce qui requiert ici de laisser partiellement son cerveau de côté, d'arrêter de penser en terme de "style" ou d'"influences" pour laisser chaque particule de son être dériver lentement. Comme si toute votre structure osseuse se dissolvait rapidement et que rien que vous puissiez faire n'ait d'influence sur cette évolution.
C'est un peu comme se noyer, avoir conscience de se noyer et être presque content de se noyer. Les motifs que l'on aperçoit alors ne peuvent être que de mauvaises contrefaçons de la réalité, tout cela n'a dorénavant plus aucune importance. Qui se soucie que les dauphins ressemblent vraiment à des dauphins ? Ce qui semble intéresser Connan Mockasin, c'est l'idée de la chose plus que la chose en elle-même. Cet album est donc une certaine idée de pop psychédélique. Et qui n'a absolument rien à voir avec le fait de porter des couches et de manger du sable sur une base quasi-journalière. |