Fresque moderne écrite et mise en scène par Stéphanie Tesson, avec Brock, Emilie Chevrillon, Julie Debazac, Fabienne Fiette, Pierre-Olivier Mornas et Pablo Peñamaria.
Lors de la nuit du Tout est dit! un sans-abri et une Star se rencontrent, par hasard, rue de la Nef (nom oh combien symbolique!), et s'embarquent alors tous deux vers une folle quête : celle de sortir de cette ruelle qui se révèle très vite être un labyrinthe sans début ni fin.
Dans leur périple ils croisent successivement la Rumeur à la recherche d'un scoop, un Banquier sans valeur, sa femme Dow Jones, alias la pauvreté, la Dernière fleur de la planète échappée d'un herbier, un Terroriste en quête de feu, la Dame à la licorne sans sa licorne, le Temps qui ne fait que passer, la Mort déguisée en petite marchande de glace, une Sculpture antique, un Sculpture moderne, Jésus II en mal de disciple...
On assiste alors à la revue exhaustive d'un monde véritablement en vrac, comme on feuillète un journal au hasard, par rubriques thématiques et accolées. La variété des sujets permet la la coexistence de différentes formes d'expression (chant, danse, masque, pantomime...) et donne à la pièce un aspect polymorphe adapté à la complexité et à la diversité du propos.
Loin de vouloir faire une description réaliste et alarmiste, cette enquête fantaisiste mêle folie et humanité, références historiques et allégories loufoques. En assumant le parti pris de la symbolique et de l'onirisme, ce spectacle nous entraine gaiement dans une parodie intemporelle, et pourtant ancrée dans notre époque, des phénomènes récurrents de l'histoire des hommes. Ce n'est pas pour rien que les personnages se croisent et se recroisent sur une toile de fond, qui elle, reste immuable.
Cette fresque qui se veut plus un aperçu déformé par le prisme des points de vue des différents protagonistes, qu'une véritable analyse critique de notre société, offre les morceaux d'un puzzle à géométrie variable d'un monde complexe mais passionnant qu'elle ne prétend ni complètement comprendre, ni même juger, et évite ainsi l'écueil de la morale culpabilisante.
Le spectateur sans cesse inclus au récit, comme un énième acteur de ce monde, est laissé libre d'assembler les pièces et de tirer les conclusions qu'il veut. D'une grande intelligence d'écriture et d'une grande inventivité, "Revue d'un monde en vrac", spectacle vivant à tout point de vu, écrit et mis en scène par Stéphanie Tesson, bénéficie de la spontanéité insufflée par le dialogue, qu'on sent omniprésent en amont, entre la scène et la page.
Les comédiens, obligés d'incarner plusieurs personnages (exception faite des deux personnages principaux) et d'enchainer chants, parties chorégraphiées, monologues, se glissent avec aisance et gaité dans la peau des différents acteurs de ce monde fantastique.
Emilie Chevrillon est particulièrement à l'aise et pétillante, tout comme Pablo Peñamaria (qui signe également la musique) qui nous offre un Jésus particulièrement impayable. Ce bouillonnement créatif s'appuie bien sûr sur l'inventivité de toute l'équipe artistique et particulièrement les costumes de Corinne Pagé. |