Volontiers critique d'une industrie musicale toute de propagande et d'artificialité, qu'il abhorre toutes deux, l'humain contemporain n'en est pas pour autant toujours acteur d'une révolution – pas même de l'une de ces intimes révolutions que prônait Ludwig Wittgenstein ("sera révolutionnaire celui qui peut se révolutionner lui-même").
Comment se révolutionner ? En sortant des sentiers battus par d'autres pour battre les siens. Et comment sortir des sentiers battus ? En achetant, par exemple, le disque de formations aussi recommandables que General Bye Bye. Vous n'en avez jamais entendu parlé ? Ça tombe bien, c'est peut-être aussi cela qui en fait une partie de la valeur.
Que l'on me comprenne bien : je n'aurais pas la naïveté d'imaginer que tout ce qui est petit ou confidentiel en musique est merveilleux. Ce serait un cliché indie-freak dont il y aurait lieu de se moquer. Mais tout de même, ceci : ne pas se compromettre trop avec les marchands du temple, alors même que l'on aurait dans les amplis la monnaie d'échange nécessaire, n'est-ce pas déjà un gage d'intégrité ? Et il est certain que General Bye Bye a tous les arguments pour jouer dans la cour des grands.
Blood on my keyboard, mini-album enregistré sous haute pression (vingt-quatre heures dans les temps morts d'une tournée étatsunienne), signe le retour de General Bye Bye en trio. Les aléas de la vie. Forcément, la référence à Blonde Redhead semblera moins nette à ceux qui l'avaient surtout perçue dans le chant féminin. Pourtant, ce nouvel opus reste à ce détail prêt dans l'exact prolongement de Girouette (l'excellent premier album, de 2010) : toujours ce mélange de rock et d'une pop synthétique, voire caoutchouc ("Emmylou") ; on y tente aussi d'autres intonations, des accents d'une folie claustrophobe que n'aurait pas reniés Roger Waters derrière un certain mur ("Wrong side of the water") aux accords d'une manière de jazz neurasthénique accompagnant les lamentations d'un bouffon amoureux sur "Legs in the dark" ("but even jesters cry", aurait dit l'autre, souvenez-vous).
Amplement de quoi confirmer la valeur du combo et donner envie de patienter jusqu'à un prochain album ou une tournée près de chez vous. |