Réalisé par Terrence Malick. USA. 2011. Drame fantastique. Avec Brad Pitt, Jessica Chastain et Sean Penn.
Inutile de présenter Terrence Malick, réalisateur atypique. Deux grands films dans les années 70, La Balade sauvage et Les Moissons du ciel, pures odes aux grands espaces puis... silence total pendant 20 ans, jusqu'à La Ligne rouge qui suit la bataille de Guadalcanal entre américains et japonais sur une île du pacifique durant la seconde guerre mondiale. Quelques semaines auparavant sortait Il faut sauver le soldat Ryan. Comme chacun sait, le réalisme et la violence des images de ce grand cru Spielberg fascineront ou répulseront, créant une belle polémique.
Grâce au hasard du calendrier, le monde va voir quasi coup sur coup deux grands films sur la seconde guerre mondiale, aussi grandioses qu'ils sont différents, l'un ultra réaliste rendant certaines scènes à la limite de l'insoutenable, l'autre magnifiquement pacifique. Malick y filme des soldats américains dans une ambiance contemplative, montrant les doutes, l'ennui et le vague à l'âme des hommes au milieu de longs plans sur la végétation et les oiseaux locaux. Le film souffre certes de quelques longueurs mais il frappe les esprits. Malheureusement, Il faut sauver le soldat Ryan cartonnera à grands coups de millions de spectateurs alors que La Ligne rouge n'atteindra même pas le petit million.
Comme d'habitude, le dernier effort de Malick The Tree of Life arrive entouré d'une tonne de questionnements, et Malick se montre toujours aussi mystérieux et aussi peu locace que Kubrick. D'ailleurs, le réalisateur décide de ne pas accompagner son film au récent festival de Cannes.
N'y allons pas par quatres chemins, il existe deux bonnes raisons d'aller voir The Tree of Life : il a obtenu la Palme d'or et... c'est un film de Terrence Malick ! En matière de Palme d'or, on a rien vu de palpitant depuis le Elephant de Gus Van Sant en 2003 (enfin si, Un prophète il y a deux ans mais le copinage entre Haneke et Huppert lui a empêcher de repartir avec la palme, pourtant unanimement vouée au film de Jacques Audiard) mais un film de Malick est toujours un évènement.
Il faut la jouer fine pour ne pas trop dévoiler de ce Tree of Life. Histoire de vous donner envie sans trop en dire, on pourrait fragmenter le film comme cela : le premier tiers où l'on est plongé à la fois dans Océans de Perrin ou 2001, l'Odyssée de l'Espace de Kubrick ; la deuxième partie ressemble à s'y méprendre au mélancolique Virgin Suicides ou certains aspects des films de Gus Van Sant. Quant à la dernière demi-heure, elle navigue vers des territoires plus fantastiques.
Je ne saurais pas mieux vous motiver pour courir le voir.
Autrement, pour en discuter un peu plus, outre ce petit quart d'heure exagérément "théâtral" (je n'en dis pas plus, enfin bon, ça parle d'une époque il y a quelques millions d'années que nous n'avons pas connu), ce film est d'une beauté visuelle sidérante, contemplatif à souhait, un régal des yeux, sensoriel, où l'on suit l'histoire d'une famille qui est sujette à un drame.
On suit la narration comme on serait absorbé par un grand tableau de Picasso.
A l'image du maître espagnol, Malick compose, assemble, destructure, casse le rythme, la musique y est grandiose, c'est le 2001, l'Odyssée de l'Espace de la décennie.
On pourrait parler des heures durant de ce Tree of Life, je veux dire en débattre même. En ce moment des gens analysent, décortiquent, retournent le film dans tous les sens, pour certains essaient de comprendre le sens du propos du réalisateur. Moi je dirais tout simplement qu'il faut arrêter de se prendre la tête à vouloir tout comprendre, ici sur le rôle du père, le sens de l'église, de dieu, où je ne sais quoi encore.
The Tree of Life s'apprécie sur la durée, on absorbe le film qui avance plan par plan, sans de longs discours, sur des impressions visuelles assez scotchantes. Malick filme comme il ressent, il compose un OVNI dont on ne comprend pas tout - à la rigueur on s'en fout - mais qui est un vrai nectar visuellement, avec toutes ses zones de mystère, de mysticisme aussi. Enfin, une vraie Palme d'or depuis Elephant, et ça, ça fait bigrement du bien au cinéma.