Réalisé par Kelly Reichardt. Etats-Unis. Western. Durée : 1h44. (Sortie le 22 juin 2011). Avec Michelle Williams, Paul Dano, Bruce Greenwood, Will Patton et Zoe Kazan.
Malheureusement pour les amoureux du genre, qui est sans contestation possible le genre cinématographique par excellence, le western s’est fait rare depuis trente ans.
Si l’on excepte les tentatives néoclassiques de Clint Eastwood, seuls quelques acteurs (Kevin Costner, Ed Harris) et quelques réalisateurs considérés comme des auteurs (Jarmush, les frères Coen, Sam Raimi, James Mangold) s’y sont risqués et y ont souvent échoué.
Car il faut être tout acquis à la cause des Coen ou à celle de Mangold pour trouver de l’intérêt à "True Grit" ou au remake de "3 h 10 pour Yuma". C’est pour cela qu’il faut fêter comme il se doit "La Dernière Piste", c’est-à-dire comme un VRAI western.
D’aucuns seront surpris que cet exercice aride, âpre, minimaliste puisse être ainsi qualifié de "vrai" western.
Mais Kelly Reichardt a compris que pour réaliser un authentique western, il ne fallait pas simplement aligner les éléments attendus, les codes connus et pire encore s’en servir pour s’en amuser ou les utiliser d’une manière décalée. Non, ici, on va montrer simplement et honnêtement quelques émigrés en train de jouer leurs vies dans ce qu’ils ne ressentent pas d’eux mêmes comme la conquête de l’Ouest, ce qui conduit, paradoxalement, à ce qu’ils en soient les véritables héros.
Dans "La Dernière Piste", on découvrira au plus près les visages et les âmes derrière ces visages. Sans écraser Kelly Reichardt, dont on a déjà salué les plus que prometteurs "Old Joy" et "Wendy et Lucy", films également écrits par Jon Raymond, on pourrait résumer "La Dernière Piste" comme un croisement entre les "Rapaces" de Von Stroheim et ces films de Ford où des personnages se cherchent dans le désert.
Avec très peu d’éléments narratifs et quelques chariots tirés lentement par des bœufs, le spectateur comprendra ce que vivaient ces émigrés, sera au cœur de leurs pensées, entre rêve messianique et peur de l’altérité.
Et puis, grâce au beau personnage incarné par Michelle Williams, déjà magnifique dans "Wendy et Lucy", il sera confronté à la "troisième voie", celle qui permet à une femme quelconque, une mère courage en plein dans les tourments de la soif et de la faim, de se transcender. Changer de continent, c’est aussi changer de point de vue sur le monde et voir un être humain là où d’autres ne verront jamais qu’un sauvage.
Au bout de cette "Dernière Piste", il y a la mort ou la résurrection, un nouveau possible ou un nouvel impossible. Il y a surtout le regard d’une femme sur une autre femme, un regard plein d’amour qui reprend le message d’amour que les grands du western aimaient à donner à leur spectateur, bien loin du cynisme à la mode Coen, de l’individualisme bourru à la sauce Eastwood et du culte de l’extrême violence de tous les autres néo-westerniens.
Qu’une femme s’empare enfin du genre le plus masculin de l’histoire du cinéma constitue une sacrée nouvelle. Qui sait, Kelly Reichardt suscitera peut-être d’autres vocations féminines. Car, à coup sûr, la femme est l’avenir du western !
Go West, Young Girl ! |