Textes de Charles Reznikoff, mise en scène de Henri-Jules Julien, dits par Vitya Ponomarev accompagné par Sophie Angel au piano.

"Testimony" est une oeuvre du poète objectiviste américain, Charles Reznikoff, né le 31 août 1894 à Brooklyn et mort à New York le 22 juillet 1974. Le metteur en scène Henri Jules Julien en propose des extraits d'après la traduction du poète français Jacques Roubaud.

Ces poèmes sont des fragments, des instantanés de vie qui trouvent leur origine dans les minutes des annales pénales des Etats-Unis. Tirés de témoignages, de compte rendus de faits divers, ils traduisent l'état d'une société mieux qu'aucune démonstration. Les poèmes s'égrènent et relatent le meurtre, l'enfanticide, l'assassinat raciste avec une précision et une froideur chirurgicale.

A aucun moment le récit ne tombe dans le pathos ou la banalité. La mise en scène de Henri Jules Julien dans son dépouillement extrême : le duo entre la pianiste Sophie Agnel et le lecteur Victor Ponomarev enveloppe le public dans les brumes expressionnistes.

Cette sorte d'envoûtement qui ne manque pas de nous saisir tient au charisme et à l'ambigüité de l'interprète, qui à la fois massif et enfantin, promène son accent russe à des confins oniriques. Fasciné, horrifié, résigné ne peut-il pas se sentir accablé par cet enchaînement de drames, par cette stridence nerveuse qui nous parcourt le dos ?.

Les mots continuent cependant à tomber, un à un comme des gouttes de sang. Les mots du poète qui résistent à tout pouvoir , toute doctrne, toute condamnation, toute justification. "Ecce Homo": regarder l'homme, la femme, l'enfant. Les destin sans gloire, leur histoire oubliée, invisible.

Comme une métaphore de plus, Sophie Agnel se penche sur le ventre du piano pour jouer avec ses cordes et faire jaillir l'étrange et le douloureux d'une condition. Bruits parfois insoutenables, texte qui dit la barbarie: c'est au corps que semble s'adresser le spectacle: le corps tranquille de l'auditeur, le corps confortable du juge de cour d'assise, qui abrite une vie imprenable, le corps qui ne connait pas la peur ni la fuite.

La proposition de Henri Jules Julien rend hommage au poète Charles Reznikoff et sert une écriture d'une grande densité. Ce spectacle fait partie de ceux qui s'impriment durablement dans les mémoires.