Jay-Jay Johanson était de passage pendant 3 jours à Paris pour la sortie de son nouvel album Spellbound. Il a donné un concert au Café de la Danse, une petite salle près de Bastille, qui était totalement comble pour l'occasion, un très bon concert d'ailleurs, de près de deux heures, et qui s'est terminé en standing ovation. Mais c'était surtout pour lui trois journées de marathon médiatique qui l'attendaient, entre radios, presse et télévision (en seconde partie de soirée). Les demandes d'interviews tombaient et l'agenda de Jay-Jay était bousculé de jour en jour. Jusqu'au dernier moment, nous avons craint que cette session ne soit reportée au mois de novembre, lorsqu'il reviendra pour un concert au Trianon cette fois-ci. La rencontre a eu lieu à côté de son hôtel dans un piano bar.
Hier soir, lors de la seconde partie du concert, vous sembliez très ému.
Jay-Jay Johanson : Il faut que je vous dise qu'on avait bu du vin avant de monter sur scène et que j'étais un peu ivre, surtout durant la deuxième partie du concert (rires). Mais c'est vrai que la France est un pays spécial pour nous. Chaque fois, nous sommes accueillis de façon tellement amicale par le public. Nous sommes évidemment également bien reçus au Portugal ou en Espagne, mais il y a ici une intensité beaucoup plus forte. Les français semblent avoir pour ma musique plus de respect que n'importe quel autre public. J'aimerais pouvoir donner en retour autant d'émotion que le public m'en offre. Pour eux, j'aimerais faire tellement plus qu'enregistrer des disques.
D'après mes souvenirs de concert, le Café de la Danse a été la première scène sur laquelle je vous ai vu chanter. Comme vous le racontiez lors du concert d'hier, c'était comme invité d'Autour De Lucie pour interpréter une reprise de Chet Baker. C'était quelques semaines avant votre premier concert parisien qui avait eu lieu à l'Européen. Cela participait peut-être de votre émotion d'hier.
Jay-Jay Johanson : Vous devez avoir raison sur les dates mais cela remonte à il y a si longtemps (rires). J'ai une liste de tous mes concerts à la maison. Il va falloir que je vérifie cela. Par contre, je garde un souvenir vivace et ému du concert à l'Européen. Françoise Hardy était dans la salle. Pour un jeune chanteur comme moi, c'était vraiment flatteur, tellement inespéré.
Pensez-vous qu'il y ait un lien entre l'histoire du jazz à Paris et le fait que vous soyez toujours le bienvenu ici ?
Jay-Jay Johanson : C'est une remarque intéressante, et cela joue en effet peut-être. De nombreux jazzmen sont venus s'installer en Suède, mais pas autant qu'à Paris où les opportunités de jouer étaient plus nombreuses.
D'ailleurs le concert que j'ai donné au New Morning la dernière fois que j'avais joué à Paris a été un tournant dans mon orientation musicale. Cette salle est encore hantée par le souvenir de mes héros, comme Chet Baker entre autres. C’était la première fois que nous jouions de façon entièrement acoustique. Ensuite on nous a demandé de nouveau de jouer en formation réduite piano / voix. Mais c’est lors de ce concert que j'ai pris confiance en moi et dans ces arrangements minimalistes. C'est pourquoi les rythmiques sur Spellbound ont été réduites à ce point, bien moins présentes que sur mes précédents albums. Nous nous sommes concentrés sur l'essence même des chansons : la voix, la mélodie au piano ou à la guitare. Le concert au New Morning était le point de départ de tout cela.
Votre nouvel album traite encore une fois de la solitude. N’y a-t-il donc qu’Erik, votre pianiste, pour avoir réussi à vous supporter toutes ces années ?
Jay-Jay Johanson : (rires) Non, il y a aussi mon batteur, Magnus (ndlr : Magnus Frykberg), qui m’accompagne depuis 1995, mais jusqu’à présent il ne participait pas aux tournées. Cette fois-ci, on a réussi à l’emmener. Magnus et Erik ( ndlr : Erik Jansson) sont tous les deux à mes côtés depuis le début. Les autres musiciens ne sont engagés que le temps des enregistrements. Certains apparaissent sur plusieurs albums certes, mais Magnus et Erik sont la vraie colonne vertébrale de ma musique.
Sur Spellbound, il y a aussi la thématique de la mort qui est beaucoup plus présente que sur vos précédents albums. Pourtant, les arrangements des derniers morceaux laissent percevoir de l'espoir. Faut-il y voir un message ?
Jay-Jay Johanson : Non, ce disque ne contient pas de message. Je suis bien conscient que la plupart de mes chansons sont profondément romantiques, toujours avec un côté sombre et dépressif. Même si dans ce disque les chansons abordent encore une fois les thèmes de la solitude et de l'absence, j'essaie de m'ouvrir à ce qui se passe autour de moi. Pour la première fois, mes textes intègrent des images de la nature comme une métaphore. Il est vrai que la mort est présente tout au long du disque, mais j'ai essayé d'en éviter le côté pesant. Paradoxalement, c’est certainement parce que je vis en famille maintenant que la mort est une thématique qui revient dans mes chansons récentes. Depuis que je suis marié et que j'ai un enfant, il y a des gens trop précieux à mes yeux pour que j’accepte que tout puisse disparaître du jour au lendemain. La mort m'effraie plus qu'auparavant, alors je la conjure à travers mes chansons. Lorsque j'étais célibataire, la mort était bien plus éloignée de mes préoccupations.
Il y a pourtant longtemps que vous reprenez la chanson "Suicide is painless", le thème de "Mash" par Johnny Mandel, lors de vos concerts.
Jay-Jay Johanson : En effet, je l’ai d’abord reprise en 1997 pour une Black Session sur France Inter. C'était la première fois qu'on me demandait de faire une reprise. En tant qu'auteur et interprète, c'est un exercice auquel je me livre peu volontiers. Mais depuis cette session, les fans français me demandent toujours cette chanson. Je la jouais donc parfois en concert, et elle a trouvé naturellement sa place sur Spellbound. Les arrangements que nous avons testés lors des sessions d’enregistrement nous ont plu, alors on l’a mise sur le disque. Depuis le temps que cette chanson me suit, je me la suis complètement appropriée.
Il y a quelque chose qui me surprend à chaque fois que je vous vois sur scène, c’est la manière dont vous réagissez entre deux chansons tristes. Vous avez toujours un énorme sourire et semblez très heureux.
Jay-Jay Johanson : Lors des concerts, j’essaie de me concentrer sur le chant. Mais lorsque j’entends les musiciens derrière moi puis la réaction du public, à chaque fois je suis comme submergé de bonheur. C’est une sensation très forte.
Votre attitude sur scène a peu changé depuis vos débuts, si ce n’est qu’on vous sent plus confiant. Par contre votre look a, quant à lui, énormément évolué au fil des albums. Y a-t-il un lien entre l’esprit des albums et le look que vous abordez alors ?
Jay-Jay Johanson : Le seul album pour lequel il y ait vraiment eu un changement radical était Antenna. La musique était différente, tout comme mon look. Mais mis à part pour cet album, il me semble que la seule chose qui change soit mon âge. Mon look a évolué avec le temps, mais ce n’est pas pour une histoire de choix artistique, et encore moins de mode. Cela ne rentre pas non plus dans le cadre d’un plan marketing concerté avec la maison de disque ou un designer. Actuellement, j’ai les cheveux longs mais c’est d’abord parce qu’à un moment, j’ai été trop fainéant pour les couper. Et pour l’instant, ça me plaît ainsi (rires).
Retrouvez Jay-Jay Johanson
en Froggy's Session
pour 2 titres en cliquant ici !
|