L’Orientalisme se niche sans autre forme de palabre dans la culture ouverte de Marseille. Cela tombe bien. La ville-port accueille au sein du Centre de la Vieille Charité une exposition qui vaut le déplacement.
Un détournement d’itinéraire qui sent bon les vacances que l’on voudrait chatoyantes. Marseille vous accueille les bras ouverts pour vous faire partager cette exposition, qui honore le regard orientaliste d’une époque fascinée par un monde envoûtant.
Nous sommes au XIXe siècle et les œuvres picturales s’imaginent fantasques dans leurs réalités. Entre la campagne d’Égypte napoléonienne (1798-1801) et le séjour de Matisse (1906), un siècle se glisse dans cet Orient imaginaire, comme pour montrer la voie des autres arts à venir. Un siècle qui offrira au regard du monde occidental, cette curiosité et cette interrogation, avec en apogée, une vision sensuelle et troublante. Et pas seulement face aux modèles féminins.
L’Orient est là, imprégné du temps artistique. Aux facettes multiples. Et c'est cela, l’envoûtement. Rien ne laisse l’indifférence faire le ménage ??. Comment pourrait-il en être autrement ? L’Orient questionne l’Occident à la manière du Sphinx d’Œdipe. Mille et une représentations dans l’interprétation de l’autre. Comment voir ? Se voir ! Le voir ? Cette représentation effleure les œuvres des plus grands comme Delacroix (1832) qui croient découvrir en terre lointaine les couleurs arabisantes en réponse à leur désir de renouvellement.
Nombre d’artistes traverseront la Méditerranée pour y capter l’impensable lumière. Offrir au regard ces généreuses teintes, dont l’ocre qui domine nombre d’œuvres. Le soleil est partout, en tout ! A l’ombre de la clarté.
Plusieurs générations d’artistes se succèderont avec cette seule idée en tête (au moins certains auront essayé) : percer sans rejet quelques mystères qui forgent nos fantasmes sur l’Orient. L’imaginaire guide les traces picturales des peintres qui se succèdent loin des brumes froides de l’Europe. Entre Delacroix et Matisse, le mythe évolue sans pour autant chasser cette troublante sensualité orientale. Bien au contraire, ils s’en réclament.
Chez Ingres et Gérôme, la représentation offrira aux regards la matérialisation de la magie : oser le harem, le désert comme acteur.
Hypnotiser !
Certains resteront plus longtemps, durablement, palettes et valises posées. D’autres encore, sans renier leurs pères, Renoir, Matisse, ouvriront d’autres portes, pas moins fantasmagoriques pour autant, même si elles se veulent plus représentatives d’un regard plus neutre avec les paysages, les villes blanches, le soleil. Une lumière captée dans son existence. Tout aussi magique dans leurs représentations.
N’est-ce pas là, la puissance évocatrice d’un territoire imaginaire, jamais dompté.
"L’Orientalisme en Europe, de Delacroix à Matisse" vous invite à un voyage aux frontières de nos représentations et comme le reconnaissait avec justesse Victor Hugo : "Au siècle de Louis XIV on était helléniste, maintenant on est orientaliste".
L’exposition résonne en écho comme une bien belle fable. Celle qui célèbre les printemps Arabes.