Comédie de Jean-François Regnard, mise en scène de Nelly Morgenstern, avec Tristan Le Goff, Ophélie Marsaud, Lukasz Musial, Elsa Rozenknop et Vincent Viotti.

Dans "Les folies amoureuses", revisitant "L'école des femmes" de son célèbre aîné Molière à l'aune d'un vieux canevas opératique, Jean-François Regnard pousse le divertissement à son comble.

En effet, il joue sur les caractères peu vertueux des personnages, au demeurant tous un peu ridicules mais extrêmement plaisants, pour gruger, en bonne et due forme et à son nez et à sa barbe, un barbon, riche veuf en manque d'héritier, amoureux d'une jeunesse, sa pupille, qu'il tient soigneusement sous clé sachant que Cupidon, fin archer, n'est pas serrurier.

Mais pour rusé qu'il soit et conscient de l'hostilité de son entourage ("pour me trahir ici tout le monde s'emploie"), à quatre contre un la partie est perdue d'avance : Lisette, la servante excédée d'une charge sans repos est prête à tout, Eraste, amoureux de la jeune fille mais aussi de sa dot, est prêt à enlever la belle, et son ingénieux valet Crispin, militaire d'opérette au bagout de charlatan est prêt à en découdre, et surtout la captive, Agathe, qui n'est pas née de la dernière pluie, dont le caractère bien trempé et la duplicité consommée qui, n'entendant pas se voir imposer "un joug à son humeur contraire", saura elle-même forger la clé des champs.

Nelly Morgenstern monte cette fantaisie débridée avec beaucoup de fraîcheur non antinomique, en l'espèce, avec le savoir-faire. Dans le patio de l'Hôtel Gouthière qui lui offre un décor ad hoc avec une façade riche de portes et fenêtres propice à l'intrigue basée sur la dualité extérieur-inétrieur, elle joue avec sagacité du lieu naturel et mène son quintet de comédiens au rythme de la versification ludique et parfois fantasque, mais toujours spirituelle, de l'auteur que ces derniers restituent naturellement avec délice.

De surcroît la distribution est totalement en adéquation avec les emplois ce qui ne contribue à la réussite de ce spectacle contextualisé par les costumes et les intermèdes puisant dans le répertoire contemporain.

Autour de Vincent Viotti, excellentissime en geôlier paranoiaque, molesté par une soubrette en tenue de secrétaire bien campée par Elsa Rozenknop, le jeune prétendant aux allures de jet-setter, ray-ban, veste cintrée et T-shirt largement échancré en lycra fuschia auquel Lukasz Musial, d'origine polonaise, apporte de délicieuses intonations cosmopolites, Tristan Le Goff qui dans le rôle du valet, baskets, pantalon slim, T Shirt pailleté et casquette de capitaine Haddock, délivre une prestation totalement irrésistible.

Et puis, dans le rôle de celle par qui tout arrive, Ophélie Marsaud est pétillante et époustouflante en hardie arrière petite-fille de l'Agnès de Molière qui, bien que vêtue comme une petite fille modèle en soquettes blanches, a les yeux grands ouverts sur la vie qu'elle veut croquer à pleines dents et sans entrave.