Parmi les bonnes choses que la fin du vingtième et le début du vingt et unième siècles auront réussi à faire, il y a un certaine démocratisation de l'industrie musicale. Facile, aujourd'hui, d'autoproduire son album, de le distribuer et de le médiatiser, de monter son petit label bien à soi, de se faire connaître dans le monde entier. Un certain nombre de grands noms d'aujourd'hui sont d'ailleurs les preuves devenues bankable de ces opportunités dont on n'aurait su raisonnablement rêver lors de la décade dorée du rock (1967-1976), pourtant pas avare en aventures et en coups de pokers.
S'il faut reconnaître qu'il y a dans ce lot de l'autoproclamé musical autant de bon que de mauvais, il n'est pas rare de tomber, de ci de là, sur de petites pépites réjouissantes. Sans aller jusqu'au coup de génie capable de renverser votre univers musical, le premier album des parisiens des Minors pourrait bien vous donner cette impression que le véritable avenir d'une production artistique musicale se situe dans cette direction-là.
Do it by yourself, tu t'affranchiras au moins de l'impératif de rentabilité qu'un bourgeois propriétaire des moyens de production musicaux voudrait t'imposer. La révolution prolétarienne indie-folk serait-elle en marche ? C'est le genre de rêve en rouge et or que ce Ways/Time pourrait bien inspirer, avec sa liberté plein les bouches de ses chœurs, avec ses mélodies amples comme une internationale.
L'album est clairement inspiré par des formations comme Arcade Fire ou Fleet Foxes (pop orchestrale) et les premiers Silver Mt Zion (fragilité et sens de la mélodie fragile, à l'équilibre incertain) ; les plus parisiens d'entre-nous se rappelleront probablement aussi de MØn, autre formation capitaliste parfaitement autonomisée et recommandable. L'album n'hésite pas à aller puiser ses sonorités à de multiples sources, mariant les instruments du rock et de la pop aux cordes et vents des orchestres, aux rythmiques africaines, aux électronicités synthétiques... L'ensemble en bref est un joyeux bordel alter-mondialisé, qui réussit le prodige du dosage parfait, évitant les écueils du jusqu'au-boutisme, du mauvais goût, du kitsch.
Un disque inattendu, à tous les sens du terme, auquel on souhaite un accueil chaleureux, qui nous rassurerait sur l'état du monde et la capacité du public à s'abstraire des formatages que les majors veulent parfois lui imposer. Stop aux grands machins, vive les petits trucs. Bienvenue aux Minors. |