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Frédéric Beigbeder  (Editions Grasset)  septembre 2011

Comme il y a des putains qui deviennent des saintes, des délurées qui virent rombières, il y a des bobos branchés qui subitement enclenchent le rétropédalage pour ne plus suivre l'air du temps.

Ainsi en est-il de Frédéric Beigbeder, victime lui aussi du pessimisme qu'il qualifie d'esthétique du moment, qui, sentant le vent du boulet qu'est la quarantaine largement entamée (il est né en 1965), se range aux côtés des "lecteurs cacochymes, obsédés, obsolètes, bibliophiles ringards" qu'il oppose aux "consommateurs blasés, automates dispersés, zappeurs impatients et cliqueurs distraits" pour s'ériger en passionaria du livre papier et vouer aux gémonies la dématérialisation et le livre numérique.

Reprenant la terminologie juridico-commerciale et la formule initiée en 2001 avec "Dernier inventaire avant liquidation" dans lequel il commentait les 50 livres du siècle promus par les français au terme d'un sondage Le Monde-FNAC, il livre donc ce "Premier bilan après l'apocalypse" dans lequel il dresse le panégyrique du livre "tigre de papier" et agrippe sa plume (d'oie ?) de critique littéraire pour dresser un reader's digest beigbedérien fort de 100 romans.

En effet, pour Frédéric Beigbeder "apocalypse" rime avec "édition numérique" et signerait, sinon inéluctablement la mort du roman, du moins sa dénaturation certaine dans une époque placée sous l'emprise du storytellling.

Pour sonner le tocsin de cette catastrophe qui se déroule selon lui dans l'indifférence générale, il mène un combat d'arrière-garde avec un manifeste d'une dizaine de pages faisant l'apologie du livre en tant qu'objet unique et irremplaçable qui commence par une ode lyrique au vieux livre de papier "bientôt jauni, nid à poussière, cauchemar de déménageur, ralentisseur de temps, usine à silence".

Le parallèle, sans doute provocateur, qu'il établit avec l'autodafé que pratiquent régulièrement les régimes totalitaires est manifestement excessif car la dématérialisation n'implique ni la démarche symbolique, ni la destruction réelle du patrimoine littéraire qui y sont attachés et qui impliquent la censure radicale appliquées à certains auteurs.

Cependant, son propos n'est pas totalement délirant notamment, s'agissant de la dénaturation, au regard de ce qui est en matière d'art contemporain qui a sacrifié des arts majeurs comme la peinture et la sculpture au profit des arts numériques et des installations plasticiennes, voire même de la jeune création théâtrale contemporaine qui, sous l'auspice du théâtre total prôné par Brecht, tend au salmigondis multidisciplinaire.

Suit un recueil critique qui comporte ses "100 livres préférés à lire sur papier avant qu'il ne soit trop tard" sélectionnés "scientifiquement" à partir de dix critères subjectifs dignes de Cosmo qui ne sont cependant ni moins ni plus pertinents que d'autres et dans lesquels se reconnaissent son humour frondeur notamment quand il indique espérer que lesdits critères révolutionneront l'enseignement littéraire dans les collèges et lycées.

Exemples : "Drôlerie : 1 point par éclat de rire" - "Érotisme, sensualité de la prose : 1 point en cas d'érection, 2 en cas d'orgasme sans les mains) - "Snobisme, arrogance : 1 bon point si l'auteur est un mythe obscur, 2 s'il parle de gens que je ne connais pas, 3 si l'action se déroule dans des lieux où il est impossible d'entrer").

Et puis, en tout état de cause, ce sont les siens, son droit absolu, tout comme son Top 100 est "subjectif, injuste, bancal, intime". A noter, par ailleurs, que, diplomate, ne voulant pas froisser ceux qui n'ont pas franchi la ligne d'arrivée, il envisage la parution d'une liste complémentaire qui laisse augurer d'une petite anthologie du roman du 20ème siècle, au demeurant tout comme le titre.

Bien évidemment, ce recueil ne se prête pas à une lecture linéaire qui s'avèrerait vite laborieuse mais à un picorage homéopathique tant pour conforter le lecteur dans ses choix, lui suggérer des lectures futures et même lui procurer un petit pécule pour briller sans peine en société.

Les notes critiques, fortes de quelques pages et suivies d'un résumé biographique fulgurant, donnent également à leur auteur l'opportunité non seulement d'esquisser en filigrane son autoportrait de lecteur et de donner libre cours à son sens de la formule mais également d'y glisser ses soliloques sur son microcosme sociétal ainsi que des bribes autobiographiques palpitantes.

Ainsi conjointement à la critique du Journal de Marc-Edouard Nabe, journal d'un fou génial "captivant comme un sitcom brésilien" d'un écrivain qui a voulu être Léon Bloy et qui a fini en sous-Jean-Edern Hallier, le lecteur qui ne suit pas la presse people apprendra que, en 2000 Frédéric Beigbeder dinait avec sa femme Delphine au Monteverdi rue Guisarde et que sa fille Chloé a eu une otite et, qu'en 2011, il ne vit plus avec Delphine.

De même, en 2004 l'oeuvre de Jean-Pierre George, "Le Diable et la Licorne" qui raconte "l'admiration d'un écrivain situationniste pour une danseuse du Crazy Horse Saloon" tombait à pic pour celui qui passait "ses nuits entre le Hustler Club, le Stringfellows et le Pink Paradise à comparer la qualité des épilations maillot" alors qu'il a failli être heureux avec sa seconde épouse, roman qui lui avait été conseillé par fil alors qu'il buvait une vodka Finlandia en haut d'une gratte-ciel à Helsinki contemplant la mer blanche et les bateaux gris").

Pour en revenir au Top 100, le lecteur Frédéric Beigbeder manifeste une nette prédilection pour les auteurs français et anglo-saxons et le Top du Top, c'est "American Psycho" ("le roman qui assassine le 20ème siècle, le chef-d'oeuvre du nihilisme définitif, le roman ultime de la déshumanisation, le meilleur roman du 20ème siècle car il a digéré tous les autres") de Breat Easton Ellis ("la réincarnation de Hemingway") dont le Glamorama ("Le roman définitif sur la Civilisation des Apparences") figure au numéro 77.

Le Top 100 beigbedérien se présente comme une auberge espagnole : on y trouve de grands noms du Panthéon littéraire comme André Gide, "figure ultime du grand écrivain bourgeois" dont l'oeuvre est subversive (avec "Paludes" en numéro 3) et des petits maîtres tel Paul-Jean Toulet qui possédait la grâce et dont la tombe est fleurie chaque année par Frédéric Beigbeder car sise dans le même cimetière que celui de ses grands-parents (en numéro 6 avec "Les contrerimes" et au 61 avec "Mon amie Nane").

Y figurent sans ostracisme le roman policier classique (Georges Simenon numéro 14 avec "La chambre bleue") et le polar parodique ("En avant la moujik !" de Frédéric Dard au bienvenu numéro 69), le roman d'amour ("Podium" de Yann Moix "gramophone surdoué. Né en 1968 il est resté scotché dans ces années-là") et un roman sur l'amour ("L'année de l'amour" de Paul Nizon, "l'Attila de la littérature", "un des plus grands écrivains mondiaux", placé sciemment en numéro 2 comme pendant d'espoir en contrepoint au numéro 1).

S'y côtoient la contre-culture des seventies avec Richard Brautignan ("Pourquoi les poètes restent inconnus"), le morbid chic, avatar contemporain du décadentisme, avec Simon Liberati ("Nada exist") et Jean-Jacques Schuhl ("Rose poussière") et le dernier chapitre de la Bible, "Si c'est un homme" de Primo Levi ("Ce volume est aussi important que la Bible car il raconte la fin de l'humanité au 20ème siècle").

Et comme tout principe comporte des exceptions, dans cette sélection consacrée au roman figurent un album, le premier du groupe français Téléphone ("simple caprice d'auteur groupie"), le journal de Kurt Cobain, le leader du groupe Nirvana et une bande dessinée ("Tranches de vie" de Gérard Lauzier).

Avec l'analyse critique de cette dernière, Frédéric Beigbeder révèle comment il aimerait passer à la postérité : comme "satiriste anti-bourgeois, immoraliste publicitaire, humoriste pessimiste et caricaturiste cynique".

Cela étant, la lecture de ses chroniques critiques à la Sainte-Beuve est passionnante et jubilatoire et pas uniquement pour ses savoureux portraits à l'emporte-pièce, ses dérives nombrilistes et ses aphorismes désenchantés ou provocateurs. Parce qu'il aime la littérature et qu'elles donnent envie de lire les romans qu'il distingue même s'il ne résiste pas toujours au plaisir d'égratigner au point d'y inclure une contre-critique.

Voilà donc encore un opus de Frédéric Beigbeder qui fera couler encre et salive notamment dans le Landerneau du petit monde littéraire français et les médias ont d'ailleurs déjà ouvert le tir en sollicitant l'avis de certains écrivains tel Philippe Sollers, dont le roman "Passion fixe" est classé à la 60ème place.

Tout en le reconnaissant capable de fulgurances épiphaniques dans ce livre qui est "une suite de citations", Frédéric Beigbeder, qui est conscient d'une certaine parenté, lui taille un sacré costume : outre d'être un "histrion médiatique", il le catalogue ainsi : "Papiste et libertin, maoïste et balladurien, classique et moderne, critique et éditeur, avec ou sans ponctuation, patrons de revues et chroniqueur, il porte tellement d'étiquettes qu'on dirait un coureur cycliste". Ite missa est. Réponse de l'intéressé : "Beigbeder aime bien foutre le bordel".

A quand le deuxième tome ?

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :
La chronique de "La frivolité est une affaire sérieuse" du même auteur

En savoir plus :
Le site officiel de Frédéric Beigbeder
Le Facebook de Frédéric Beigbeder


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