Réalisé
par Philippe Garrel. France/Suisse/Italie. Comédie dramatique. Durée : 1h30 (Sortie le 28 septembre 2011). Avec Monica Bellucci, Louis Garrel, Céline Sallette, Jérôme Robart et Maurice Garrel. Tiens, c’est vrai ! Cela fait plus de quarante ans que Philippe Garrel fait du cinéma ! On l’a connu jeune Rimbaud du septième art, post-soixante huitard désabusé, fils rebelle revenu à la raison et père de famille nombreuse, Pygmalion de jeunes rohmériennes et nostalgique des fantômes de sa vie, chantre des clochards célestes et toujours poète...
Il nous revient aujourd’hui dans ce qu’il sait faire de mieux, si on se souvient du très beau "Vent de la Nuit" : le roman photo intello. Comme au temps jadis, ses personnages d’artistes-bohèmes parlent de révolution dans des demeures romaines sublimes et minimalistes où ils vomissent la bourgeoisie en mangeant des pâtes. Ils aiment des femmes qu’ils traitent comme les pires machos n’oseraient le faire, car ces cérébraux aux cœurs d’artichaud ont si peur de l’amour-fou qu’ils en deviennent suicidaires.
Bref, à l’heure du néo-libéralisme finissant, Garrel filme un scénario qui semble avoir été écrit à l’époque où son éternel co-scénariste Marc Cholodenko était l’espoir des lettres françaises, le rival de Le Clézio. De temps en temps, pour dater davantage les choses, quelques notes de John Cale font résonner les échos seventies du Velvet Underground.
Pourtant, avec ce matériel qu’on pourrait qualifier d’habituel, Garrel réussit une nouvelle œuvre singulière. Sans doute, derrière ce film, il y a - et il y aura éternellement - une grande ombre magnifique : celle de Maurice qui clôt le film dans un monologue émouvant en écho à la première scène d’ "Un Été brûlant".
Ce sera irrémédiablement la dernière apparition de Maurice Garrel dans un film de Philippe Garrel. Et, par une pudeur extrême, qu’on peut aussi lire comme un besoin d’exorciser ce deuil si douloureux pour l’écorché vif qu’il continue d’être, Philippe ne parle pas de la mort de son père... mais fait par procuration mourir son fils sur l’écran... Un fils qui joue ici son meilleur rôle, et qui face à Monica Bellucci - presque bonne comédienne en belle femme à la beauté déclinante - parvient à se convaincre qu’il peut être lui aussi un vrai acteur...
"Un Été brûlant" est un maelström de sentiments qui oscillent entre le factice et le fatum, un tourbillon de clichés sublimés par les audaces et les fulgurances garrelliennes. Ce mélo est une espèce d’opéra muet avec en écho les belles peintures de Gérard Garrouste censées sortir du pinceau malheureux de Louis Garrel. On s’amusera même de voir Garrel tourner une scène de faux téléfilm sur la guerre de 1940 et de s’en sortir avec les honneurs.
On y verra un autre hommage à son père, grand comédien mais aussi grand résistant. Désormais, à soixante ans passés, Philippe Garrel est orphelin d’une grande âme. Tout son cinéma en tremblera longtemps. Ses meilleurs films sont à venir. |