Comédie de Brian Friel, mise en scène de Benoît Lavigne, avec Marie Vincent et Roland Marchisio.
Moscou, un café aux murs usés dont la peinture s’écaille, du thé, de la soupe et bientôt de la vodka. Sonia et André se rencontrent là. Elle, noyée dans les paperasses tente de gérer la propriété familiale et se remet d’une déception amoureuse ; lui, violoniste de concert, est venu jouer dans l’orchestre de l’opéra. A moins que…
L’auteur, Brian Friel, a choisi d’imaginer une rencontre improbable, entre deux personnages d’Anton Tchekhov, vingt après l’action de leurs histoires respectives, à savoir "Oncle Vania" pour Sonia et "Les trois sœurs" pour André, ce qu’ils sont devenus et comment ils ont évolués. C’est audacieux et risqué mais le résultat est une vraie réussite.
On est tout de suite frappée par le ton original de cette pièce qui nous transporte dans une atmosphère hors du monde, partageant une heure de l’existence de ces deux anti-héros qui se rêvent chacun une autre vie. D’abord sur le mode de la séduction, André invente des "petites fictions" ; elle, bougonne un peu, mais bientôt chacun enlève son masque. Arriveront-ils à unir leurs solitudes ?
Faisant référence à l’oncle Vania et à d’autres pièces de Tchekhov, l’auteur lui rend bien-sûr un hommage très appuyé. Toute en demi-teintes, on retrouve dans "Une autre vie" le climat de ses pièces dans cette comédie romantique plongée dans l’âme russe.
Fins et généreux, les deux comédiens sont merveilleux de simplicité et d’émotion. Ils forment un magnifique couple particulièrement attachant par son humanité. Marie Vincent déploie une belle énergie avec un trouble intérieur palpable. Elle est captivante.
Roland Marchisio joue avec une grâce inouïe celui dont la vie est en train de basculer. Il faut le voir écouter sa partenaire et laisser entrevoir mille bouleversements sur son visage. Du grand art.
La pièce de Brian Friel, formidablement mise en scène avec sobriété et délicatesse par Benoit Lavigne, renferme un charme indéfinissable qui nous touche infiniment. A tel point que le temps parait trop court. Et ça, au théâtre, c’est toujours bon signe. |