Comédie dramatique de Facinet, mise en scène de Alice Lacharme, avec Julien Béramis, Forbon N'Zakimuena et Alice Lacharme.
Sujet dur, trame volontairement confuse, écriture inhabituelle, "ConaCriKa", du jeune poète guinéen Facinet qui propose un théâtre africain moderne dans sa construction mais qui s'attache à la tradition de transmission orale, n'est pas une pièce facile à appréhender pour le spectateur.
Le golfe de Guinée fut atteint pour la première fois par des explorateurs portugais au XVe siècle. A cette époque sur le site où s'élève aujourd'hui Konacri, deux villages regroupaient environ 300 habitants. Quatre siècles plus tard, c'est devenu une mégalopole de plus de deux millions d'habitants où règne le chaos, la pauvreté et son cortège de situations anarchiques et ubuesques.
Au milieu de ce tumulte, Alpha va chercher à obtenir des témoignages sur le massacre et les viols perpétrés le 28 septembre 2009 dans un stade, à l'occasion d'une réunion politique d'opposition, par les bérets rouges, la Garde du Président autoproclamé, le Capitaine Moussa Dadis Camara.
La pièce est ordonnancée en deux parties bien distinctes. La première raconte l'histoire du pays et dresse un état des lieux actuels. Dans la seconde le spectateur suit la quête d'Alpha pour trouver des survivants au massacre prêts à faire éclater la vérité.
La mise en scène d'Alice Lacharme s'attache à dynamiser la première partie en parodiant un jeu télévisé populaire en Guinée, jeu tout autant destiné à divertir le public qu'à occuper son temps de cerveau disponible à autre chose qu'à fomenter des plans en vue de renverser le dictateur en place. La mise en scène de la seconde partie s'avère plus classique.
La scénographie est d'une grande simplicité, les acteurs évoluent autour de matériaux de récupération, cageots ou caisses en bois qui, tour à tour, font office de bar, de banc, ou d'un endroit où se cacher...
Toute la première moitié est portée à bout de bras par Julien Béramis, bel acteur au jeu varié, énergique et sincère, dont la présence occulte celle de ses partenaires. Ensuite, interprétés respectivement par Alice Lacharme et Forbon N'Zakimuena, les rôles de la femme et d'Oumar s'étoffent heureusement, et permettent ainsi aux deux comédiens d'exprimer avec conviction leur engagement envers ce texte.
Malgré une mise en scène parfois trop appuyée, mais toute la première partie demande beaucoup d'efforts d'imagination pour maintenir l'attention du spectateur vers les acteurs, et rendre le texte vivant, un texte qui peut, au détour de circonvolutions poétiques, donner l'impression de se chercher, un sujet malheureusement toujours très présent dans le théâtre africain et abordé par des dramaturges de nationalités diverses, cette pièce est le témoignage poignant de la situation politique de certains pays d'Afrique souvent peu relayée par les médias occidentaux, et le signe évident d'un théâtre actif, dynamique, coloré et débordant d'énergie aux portes de l'Europe. |