Récit dramatique de Karen Cushman interprété par Natahlie Bécue dans une mise en scène de Félix Prader.
Il y a des soirées miraculeuses.
Après être monté dans "l'escalier de phare" jusqu'à la salle haute du Lucernaire, le Paradis, où tant de créations virent le jour, avoir pris place sur les moelleuses banquettes cramoisies, la lumière s'éteint, le silence, déchiré par une frénétique fermeture-éclair de sac, s'installe enfin, ouaté et le monde extérieur disparaît dans l'indifférence.
Une femme occupe la scène.
Une conteuse. Une diseuse. Une veilleuse. Une immense comédienne, passée par le Français, attrape son public en quatre mots. Elle ne le lâchera jamais.
En Angleterre, jadis, une pauvre enfant, née sur un tas de fumier, surnommée "cafard" devient la bonne à tout faire d'une accoucheuse, mi-sorcière, mi-magicienne de la naissance, qui va, malgré elle, lui transmettre sa science.
Tout un monde de villageois obtus, de garnements féroces, de chats fidèles, patauge dans cette campagne peinte par Karen Cushman dans "L'apprentie sage-femme" et on les suit, dans l'eau fraîche du ruisseau, au cabaret, sous la voute des étoiles, tenus par la main de Nathalie Bécue qui, par son art, permet de traverser le miroir et le temps.
Rarement, émotion, vitalité, rires et larmes, contemplation miniaturisée du destin d'une vie sont ainsi offerts en spectacle : Nathalie Bécue, bouleversante, incarne, sous la houlette de son metteur en scène, Félix Prader, une femme qui sauve, fait naitre, chasse la tristesse comme des moucherons d'aubépine et l'aubépine sent bon....
Rien de manichéen, de "théseux", de grimace imitant le cri : tout est humain, juste, vrai, mémorable dans ce spectacle. Il y aurait même une pincée d'espoir, cette incongruité, dans cet hymne à la vie à tout prix.
Allez écouter Alice-Cafard : c'est une fille de la misère qui lutte, une mère d'humanité, une femme qui met au monde.
Et le théâtre, n'est-ce pas remettre au monde ?