Comédie dramatique de Sasha Pairon, mise en scène de Véronique Barrault, avec Sylviane Goudal et Dominique Scheer.
Par un été caniculaire dans un pays méditerranéen qui vient d'être bouleversé par une révolution, deux femmes, Myla et Niobé, que tout oppose, se rencontrent sur un banc à l'ombre.
L'une est révolutionnaire, l'autre simple fille du peuple, l'une vit dans la ville haute, l'autre doit monter d'innombrable marches pour chercher un peu d'air et de fraicheur, l'une est armée, l'autre est enceinte. Dès le début le rapport de force est inégal et les intentions de chacune sont troubles.
Pourquoi Myla, la révolutionnaire accepte-t-elle que Niobé s'assoit dans un endroit qu'elle a la charge, fusil à l'épaule, de maintenir vide de toute présence étrangère? Pourquoi Niobé, enceinte jusqu'aux oreilles s'escrime-t-elle jour après jour à monter en plein cagnard les 320 marches qui mène sur ce petit banc ombragé à côté de la forteresse ?
Passé la première rencontre, une relation ambigüe va se nouer entre les deux femmes qui vont être amenées à se revoir, encore et encore, sur le même petit banc à l'ombre. Des confidences seront échangées, des rêves seront dévoilés, des intentions percées à jour, avec en toile de fond cette révolution dont on ne sait plus très bien si elle est injuste ou nécessaire, mais qui en tout les cas a transformé leur vie à toutes deux.
Le thème de cette pièce de Sasha Pairon, rattrapée par une actualité qui n'en fait qu'à sa tête, trouve un écho particulier dans les récents évènements survenus dans le monde arabe. Écrit avec beaucoup de finesse et dans un style enlevé, elle navigue sans cesse entre témoignage de guerre, belle histoire d'amitié et thriller psychologique et sait captiver le spectateur tant par l'intérêt de l'intrigue que par les nombreuses réflexions.
Les deux comédiennes, Sylviane Goudal (Myla) et Dominique Scheer (Niobé), sur lesquelles reposent toute la pièce, portent admirablement l'œuvre, interprétant leur personnage avec une grande justesse et la nuance nécessaire pour rendre les sentiments complexes qui les animent.
La mise en scène de Véronique Barrault, discrète et efficace, a su utiliser tous les atouts mis entre ses mains et les mettre au service du spectacle, captivant le spectateur et faisant monter la tension psychologique jusqu'au dénouement final, bouleversant.
Lumières (Bastien Catenacci) et décors (Caroline Mexme) très réalistes retranscrivent à merveille l'ambiance caniculaire particulièrement pesante de ces étés du sud, où l'air vient à manquer entre la fournaise des murs inondés d'un soleil cru.
Le mythique Théâtre de la Huchette accueille avec "Un banc à l'ombre", une création comme on aimerait en voir plus souvent : bien écrite, finement réalisée et impeccablement interprétée. Un spectacle de qualité. |