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Axel Corti  (novembre 2011) 

Trilogie réalisée par Axel Corti. Suisse-Allemagne-Autriche. Drame (Sortie 30 novembre 2011).

"Dieu ne croit plus en nous" (1982) avec Johannes Silberschneider, Barbara Petritsch, Armin Mueller-Stahl et Fritz Muliar.

"Santa Fe" (1985) avec Gabriel Barylli, Doris Buchrucker, Peter Lühr, Johannes Silberschneider, Monika Bleitbtreu et Joachim Kemmer -

"Welcome in Vienna" (1986) avec Gabriel Barylli, Nicolas Brieger, Claudia Messner, Hubert Mann et Joachim Kemmer.

On n’a pas souvent l’occasion d’user d’un superlatif sans exagérer. Alors, il ne faut pas hésiter à l’écrire et, pour attester le bien fondé de ce qu’on va écrire, il faudrait se contenter du mot prononcé : la trilogie d’Axel Corti est un chef d’oeuvre.

Évidemment, il faut être bougrement naïf pour croire que le mot "chef d’oeuvre" convaincra à lui seul et l’on se résignera à devoir justifier longuement l’emploi de ce terme hyperbolique. Un article n’y suffira pas. Donc, il faut d’ores et déjà prendre date pour les semaines à venir.

Car il va bien falloir le dire et le redire à destination de ceux qui sont durs de la feuille ou flous des yeux : les trois films d’Axel Corti sont une merveille, une somme d’une ampleur inouïe, une des rares œuvres cinématographiques qui puissent se comparer avec des grands livres parus sur le même sujet.

La trilogie "Welcome in Vienna" conte les destins d’un double héros parti d’Autriche après l’Anschluss, qui, ayant traversé péniblement l’Europe pour éviter les persécutions antisémites, se retrouve en Amérique, sans en goûter les bienfaits, puis revient ensuite sous l’uniforme américain en Autriche pour découvrir comment le poison du nazisme s’est répandue pour longtemps dans cette ville de Vienne qu’il aime toujours autant...

Épopée picaresque, qui charrie de l’histoire - comme cette description du camp de Saint-Just-en-Chaussée où les Français parquaient sans discernement tous les "Allemands" perdus dans l’Hexagone en 1940 -, "Welcolme in Vienna" ne se prive d’ellipses invraisemblables et de récits personnels passionnés et lyriques.

En 1986, n’était sorti que le troisième volet du film d’Axel Corti, celui qui porte justement le nom générique de l’oeuvre : "Welcome in Vienna". Le succès critique avait été au rendez-vous et le public, si notre souvenir n’est pas qu’une impression lointaine, avait été assez nombreux à voir Corti régler ses comptes autrichiens d’une manière comparable à celle utilisée par Thomas Bernhard, les vitupérations en moins.

Certes, à la même époque, chacun gardait en mémoire les films et les pièces d’un Fassbinder qui lançait mille traits contradictoires contre les ferments du nazisme et s’en prenait à ses contemporains qui perpétuaient la cause hitlérienne déguisés en inoffensifs germains de l’Ouest.

Le didactisme et la forme plus classique d’Axel Corti étaient certainement plus appropriés pour raconter les turpitudes des Autrichiens, rangés derrière la bannière nazie beaucoup plus tardivement que les Allemands et plus par opportunisme que par conviction.

Hélas, malgré une mise en scène que l’on redécouvre élégante, imaginative et audacieuse, le film de Corti paraissait terne et académique aux jeunes gens sans états d’âmes qui vouaient un culte à sa mesure à Rainer Werner Fassbinder. Et puis, à cette époque où l’on adorait les choix manichéens, personne n’aurait pris l’initiative de faire la part des choses en acceptant de conclure que les deux auteurs avaient chacun leur vision et qu’il ne fallait pas les opposer, ni trop privilégier l’oeuvre de l’un au détriment de celle de l’autre.

Toujours est-il que les deux premières parties restèrent, à quelques projections exceptionnelles près, inédites et cela constitue un sacré manque à gagner en émotions cinématographiques.

La traversée de l’Europe en quête perpétuelle de papiers pour imaginer pouvoir quitter le vieux continent pour l’ombre du nouveau est en effet un moment admirable, où l’on aurait pu déjà découvrir l’immense Armin Mueller-Stahl. Et que dire, dans l’épisode intitulé "Santa Fé" de l’ambiance dégagée par la petite communauté des Juifs autrichiens expatriés dans le cœur d’un New York. Leur allemand mêlé de yiddish permet de donner le change : on prétend rire et ne pas fondre en larmes quand on apprend le suicide de Stefan Zweig et le sort de ses frères restés en Europe.

Corti, plus que Straub et consorts, a retrouvé en quelques plans une atmosphère bien spéciale, celle d’un autre chef d’oeuvre : "L’Amérique" de Frank Kafka...

La leçon est claire : il faut s’attaquer à cette trilogie en commençant si possible dans l’ordre chronologique, c’est à dire par "Dieu ne croit plus en nous". Selon les disponibilités des spectateurs, il faudrait aussi leur conseiller de visionner la totalité de l’oeuvre d’une traite. Mais l’essentiel est tout de même de la voir en entier.

Pour être trop banal, en étant toutefois juste dans sa conclusion, personne ne regrettera ses six heures passées en immersion au cœur de l’histoire du vingtième siècle transfigurée par un grand artiste. On en reparlera la semaine prochaine...

À suivre !

 

Philippe Person         
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