Il est curieux de constater que le peuple du rock n'en aura jamais fini de chercher son prochain Jeff Buckley, jamais soulagé de la perte du prometteur auteur de Grace. Au point grotesque de lui comparer des auteurs qui nagent dans de toutes autres eaux – car il est certain qu'Alan Corbel, dernière french-incarnation du messie si l'on en croit certains médias, explore l'eau trouble d'un autre fleuve que le fatal et whiskeux Mississippi rock-électrique qui emporta le fils de Tim, et qu'il serait aussi forcé que réducteur de ne le voir que comme ce produit de substitution-là.
Il doit, en tout cas, être bien heureux d'être triste, Alan Corbel, dont on encense le folk mélancolique d'une voix unanime à l'occasion de la sortie de son premier album en solitaire : Dead Men Chronicles. Revenu de tout (des petits jobs, d'Angleterre, de la lutherie et même du décès de Soazig Le Lay, la violoncelliste avec laquelle il avait formé le duo Megalux qui les avait fait remarquer au tournant des années 2006-2007), le jeune chanteur semble tenir les promesses faites par son premier EP, dont on retrouve d'ailleurs ici les quatre titres.
Tout dans cet album n'est que dépouillement, lenteur et langueurs voluptueuses. Dans un univers joyeux comme un automne rimbaldien embrumé, Alan Corbel s'amuse à velouter sa voix mieux que Ben Harper à la saison des amours, esquisse parfois quelques arrangements dont on ne saurait dire s'ils doivent rappeler Gainsbourg ou les Tindersticks (par exemple sur le titre "Muse"). Le tout est produit par Bertrand Belin (artiste solo, mais également collaborateur de Néry ou Nosfell), pour donner à l'ensemble une maturité déjà évidente. Une belle nouveauté délicate pour amoureux de chansons belles et tristes. |