Comédie dramatique de Witold Gombrovicz, mise en scène de Anne Barbot, avec
Aurélie Babled, Cédric Colas, Daniel Collados, Benoit Dallongeville, Alexandre Delawarde, Audrey Lamarque, David Lejard-Ruffet, Fanny Santer, Benoît Seguin et Marie-Céline Tuvache.
"Introduite à la Cour royale comme fiancée du prince, Yvonne y devient un facteur de décomposition. La présence muette, apeurée, de ses multiples carences, révèle à chacun ses propres failles, ses propres vices, ses propres saletés" Ainsi Witold Gombrowicz présente-t-il "Yvonne, princesse de Bourgogne", pièce sur le désir et le dégoût dans laquelle se retrouvent ses thématiques récurrentes tenant à l’anarchie illimitée de la forme et à l'immaturité.
Comme tout corps étranger qui s'introduit dans une cellule, le corps mou d'Yvonne, la laide, muette et idiote de surcroît, doit être phagocyté ou détruit. Car Yvonne, la niquedouille, la poupée de chiffon, porte néanmoins en elle une énergie vitale qui agit de manière subliminale comme une force dérangeante et perturbante précipitant le royaume de Bourgogne dans le chaos.
Pas de droit à l'erreur avec l'oeuvre de Gombrowicz : l'épure ascétique ou la démesure burlesque semble être la seule alternative possible. En annonçant dans sa note d'intention l'hybridation de la commedia dell'arte et du théâtre No, Anne Barbot ose un pari hardi qu'elle tient de manière époustouflante en navigant sans fausse note entre le grotesque, le burlesque et le tragique harmonieusement soutenus et valorisés par un vrai parti pris esthétique de fort belle facture.
Sous les lumières en clair-obscur de Fabrice Bihet, les personnages masqués - de magnifiques masques en T de Yngvild Aspeli - apparaissent sur le plateau nu comme sortis du néant et les singuliers costumes d'inspiration élisabethaine de Bruno Marchini évoquent les mascarades maniéristes du 17ème siècle tels qu'ils sont filmés par Peter Greenaway dans "Meurtre dans un jardin anglais" mais en couleurs désaturées avec une palette chromatique qui joue sur les contrastes du blanc et du noir et du gris et du blanc cassé.
Face à la Cour normée et masquée, seule Yvonne, superbement incarnée par Fanny Santer, s'avance à visage découvert. La combinaison de la bouffonnerie et de la codification gestuelle dote les personnages masqués d'une apparence d'automate qui se dérègle pour finir, affolé, par se dérégler et virer à la folie meurtrière.
Tous les comédiens réussissent de belles compositions par la maîtrise de la gestuelle et un jeu choral qui fait de ce spectacle une exceptionnelle réussite. |