"Je t’appelle en vain, tu n’écoutes pas. La nuit est si belle, fils de Laïga". C’est par une voix conteuse que François Devenne démarre le récit de cette double histoire, celle du jeune Massaï Olélaïga quittant son village (pour aller là où la voix le guidera) et celle du jeune délinquant Joshua quittant la ville de Nairobi (pour aller faire du trafic d’ivoire). Deux périples aux desseins diamétralement opposés, mais qui vont pousser chacun des héros dans un même mouvement de quête et de dépassement de soi.
Et c’est tout le Kenya contemporain que l’on découvre au travers de ces deux formes d’apprentissage initiatique. D’un côté, la modernité avec toute sa violence, sa corruption, son tourisme sexuel, sa misère et son cynisme. De l’autre, la tradition où règne encore, pour peu que l’on ait l’esprit et le cœur pour l’entendre, la nature, impassible aux assauts du monde frénétique.
Double histoire avec pour chacun une rencontre qui va faire basculer leur trajectoire. Pour Olélaïga, c’est un éléphant, pachyderme vénérable parmi les vénérables, qui vient à lui. Pour Joshua, c’est un vieux chamane, mi-homme mi-sorcier, plein de verve et de ténacité, qui semble l’attendre depuis toujours caché dans la forêt. Et si leur vérité était ailleurs ?
Bonne plume, propos sincère, c’est un roman d’immersion où viennent se côtoyer la douce atmosphère des paysages et l’agressive âpreté de la ville. On y croit. Et la force de cet univers a vite fait de nous faire oublier que les personnages sont parfois un peu esquissés et qu’on aurait aimé en savoir plus sur l’état de leurs âmes. Sans doute est-ce pour laisser plus de place à la Nature, fascinante et somptueuse, véritable héroïne de cette histoire.