Généralement, le nom de Babybird évoque vaguement quelque chose, sans plus. Et ce n’est que lorsque l’on fredonne quelques notes de la mélodie de son hit déjà plus que décennaire que l’on arrive à mettre de doigt dessus. Mais la vie musicale de Stephen Jones ne s’est pas arrêtée là. Depuis, il enchaine les albums et sort cette année The pleasures of self-destruction.
Evidemment, on se rappelle de son méga succès "You’re Gorgeous" au milieu des années 90. Nonobstant ne nous y trompons pas. C’est le tube qui cache la plomberie. Réduire Babybird à un unique titre serait bien fourbe. Mais il faut bien avouer que l’on est un peu resté bloqué là-dessus. Ce petit air qui date de 15 ans trotte toujours dans nos têtes.
Stephen Jones a commencé par composer ses chansons dans le cadre d’une troupe de théâtre expérimental à Sheffield puis s’est lancé en 1995 sous le nom de Babybird avec un premier disque I was born. Dix albums, quelques tubes et des multiples projets plus tard voici, The pleasures of self-destruction où il sort le grand jeu : cuivres, cordes et arrangements dans tous les sens.
Un an après Ex-maniac, Babybird remet le couvert avec cet album au titre délicieusement provocateur. Car le britannique est un malin, il effectue sans peine des détournements musicaux jouant allégrement sur le décalage entre texte et musique. Réalisé, comme le précédent, à Los Angeles, les treize titres du disque n’en sont pas moins authentiquement anglais.
A l’instar du premier titre "Jesus Stag Night Club", Stephen Jones raconte des histoires pleines de no-sense. La recette étant une dose de cynisme et d’humour british sur de la pop anglaise parfois sucrée. On pourrait même courageusement le soupçonner de vouloir tirer la larmette à l’auditeur innocent.
Et l’album s’ouvre donc sur un "Jesus Stag Night Club" très enlevé. Les cuivres s’invitent immédiatement et des Ouhouh à la "Sympathy for the devil" endiablent l’ensemble. Le son est bien lourd, la frappe du batteur assurée, la guitare grassement saturée, ça dégouline comme la mousse d’une bière dans un pub de liverpool.
Puis l’album se partage entre pop classique et ballades assumées. Et à ce dernier rayon, c’est la guerre au sommet. Que ce soit avec "The best days of our lives", la nostalgico-larmoyante ballade à la batterie remarquablement absente, "www.song" faite pour emballer sévèrement ("I would kill for you, I would die for you"…), ou "I fall in love a little more each day" aux cuivres soulignants, comment résister à de telles déclarations. Difficile de ne pas tomber dans la midinetterie béate, tout cela s’écoute comme une BO d’un road-movie sentimental.
L’anglais a le sens de la mélodie enjouée et facilement mémorisable. Avec "I love her" au refrain lyrique et aux délicieux chœurs Shalalala ("Yes i love her…") ou "A little more each day" avec sa boite à musique et sa flute traversière qui donnent à leurs joueurs un air sévère, il réussirait à faire fondre les plus récalcitrants.
Plus électrique "I can’t love you anymore" ou "Song for the functioning alcoholic" revitalisent et "I’m not a killer" au texte cynique louche du côté des sons indus. Mais le piano reste la pièce essentielle de l’ensemble et lui permet de faire le crooner sentimental. Et alors que la chanson interlude "The world is ours" ne dépasse pas les deux minutes et demie, "Not love" en trois minutes voit les couches se superposer telle une pièce montée à la limite de l’indigestion. L’efficacité prend parfois le pas sur la nuance et la subtilité.
Enfin l’album se clôt sur "Remember us". Dernière chance pour l’auditeur qui n’aurait pas fait fonctionner jusqu’à présent ses glandes lacrymales.
A bientôt 50 ans, l’anglais connait toutes les ficelles et les tire avec dextérité. Ce qui parfois peut amener une légère impression de réchauffé, de déjà entendu. Bien qu’enregistré dans la cité des anges, The pleasures of self-destruction est un disque irrémédiablement anglais, chansons pop, dérision, simplicité, efficacité somme toute britannique. Pas de snobisme ni d’arrière-pensée, mais une bonne dose de guimauve dans le cœur. On se dit qu’il en fait parfois un peu trop, attention à l’indigestion de sucre, mais que finalement ça aurait été dommage d’en faire moins.