A cette époque qu'est la nôtre, les productions musicales se ressemblent malheureusement bien toutes. Pourtant, il reste toujours une bande d'outsiders dont on parle peu mais qui résistent toujours à l'envahisseur. Dans cette dernière catégorie, nous évoquerons aujourd'hui le cas de la délicieuse Ava Carrère, qui nous livre ici son premier effort. Et quel effort ! Ce disque se hisse sans mal au Panthéon des meilleurs disques sortis cette année.
Véritable O.V.N.I, l'album fait mouche de part son univers singulier, créé de toutes pièces par sa maîtresse de cérémonie. C'est-à-dire qu'il fut, comme l'indiquent les notes du livret, écrit, chanté, produit et dessiné par Ava, accompagnée de ses brillants Hommes de Main.
L'ensemble est remarquable et déborde de cohérence. Pourtant, le projet était ambitieux car prenant le parti de confronter des styles musicaux à leurs antipodes. Mais tout cela fonctionne à merveille et fait preuve d'une maturité rare dans nos contrées.
La chose commence avec la comptine exotique "I'm Not What I Do", qui met tout de suite dans le bain grâce à ses percussions, évoquant aussi bien le carnaval de Rio avec ses sifflets que le travail de Babatunde Olatunji, invitant à la danse. Ce que confirmera le tubesque "Gossip", avec ses sonorités hawaïennes lorgnant du côté ragga muffin !
Changement d'ambiance radical avec le jazzy "Pas pour toi", anti-chanson d'amour presque punk, aux arrangements tendus notamment de part la présence d'un orgue aux sonorités sixties et d'arpèges de guitares western qui terminent en apothéose, à l'instar des meilleurs génériques de James Bond.
Place au folk maintenant avec "Folker" (triste individu selon le lexique du livret), autre moment de bravoure du disque grâce à un riff entêtant et une guitare électrique caverneuse jouissive.
Retour au jazz avec "It Ain't Your Song", et son groove de contrebasse implacable qui donne l'impression de se retrouver dans un club de jazz new-yorkais. Il est d'ailleurs possible de voir le batteur fumer lorsque l'on ferme les yeux.
L'image est agréable, mais "Parentslauerberg" nous ramène à la réalité avec son rythme tribal industriel où Ava beugle ses dires, comme si Mimi Cracra troquait soudainement ses crayons de couleurs contre un disque de P.I.L, avant de laisser place au paranoïaque "Inquiète". Paranoïa ou inquiétude, qui débouche logiquement sur "Valse Tritse" (calembour judicieux de Waltz Streets), qui ressemble à une reprise inversée de "Ça plane pour moi" sous lexomil grâce à sa rythmique 8-bits obsolète et qui creuse avec intelligence ce fameux problème qu'est la crise.
Parlons-en, d'ailleurs, de la crise, car ce disque semble être une bien meilleure arme face à celle-ci qu'un certain film soit disant intouchable dont on nous vente les louanges ces jours-ci.
Le message est clair : jetez-vous dessus, ce disque mérite au moins 12 millions de ventes. |