Monologue tragi-comique écrit par Raymond Cousse, mis en scène et interprété par Laurent Mascles.

Dans le cochon tout est bon et le cochon de Raymond Cousse de "Stratégie pour deux jambons", homologue porcin du boeuf, connait parfaitement sa destinée qui est de finir en pièces détachées dans l'assiette des humains.

Face à ce déterminisme inéluctable malgré ses diatribes révolutionnaires qui avortent faute de combattants dans une porcherie où règne l'amorphisme, mêlant stoïcisme et pragmatisme, il accepte d'assumer ce destin qui le voue à l'équarrissage en se faisant un point d'honneur à ce que, victime expiatoire à l'antique, s'envolant vers les airs au gré des des rails de l'abattoir, ce moment constitue l'apothéose de sa vie, telle une ascension quasi christique après le chemin de croix des différentes étapes de l'engraissage au terme de laquelle il livrera des jambons méritant la louange.

En attendant ce dénouement fatal dont le bon déroulement tient au savoir-faire des bouchers afin qu'ils ne gâtent pas une viande si volontaire au sacrifice, il compte bien jouir de la vie et ce serait chose faite, même dans son pré carré, en l'occurrence une cage à lapin consistant en un enclos bétonné de quelques mètres carrés, si le porcher y mettait du sien sans venir troubler son intimité.

Mais, au-delà du premier degré du sentimentalisme anthropomorphique propre aux craquants petits cochons immortalisés par Walt Disney ou à l'attendrissant Babe de Dick King-Smith, de la dénonciation de la condition animale et de l'effet collatéral induit qu'est le voeu pieux de végétarisme, Raymond Cousse, par le biais de la farce pathétique, a composé un essai réflexif sur la condition de l'homme face aux grands maux du siècle et de l'Histoire.

Sans se travestir, Laurent Mascles prend à bras le corps, grognements inclus, les métaphoriques soliloques burlesques de ce cochon, écrits d'une plume décapante, non exempts d'humour souvent noir puisant dans le registre du comique pathétique à la Ionesco.

Jonglant avec le rire pour ne pas pleurer, il trouve le ton juste pour camper un alter ego mi-humain mi-animal, doué de raison et victime de déraison, dont les velléités libertaires, face au totalitarisme et à la barbarie, résonnent avec une acuité toujours d'actualité.