Drame de Shakespeare, mise en scène de François Ha Van, avec William Dentz, Sophie Garmilla, Sylvain Savard, Julie Quesnay, Stéphanie Germonpré (ou Victoria Érulin), Laurent Suire (ou Grégoire Bourbier), Rafaël Reves (ou Gregory Corre), Loïc Samar (ou Jérôme Aubert), Guillaume Tagnati (ou Thibaut Couillard), et Benoît Bertran de Balanda( ou Thibaut Couillard ou Gregory Corre).
Pour cette version du classique "Roméo et Juliette" de Shakespeare, la Compagnie du Vélo Volé dont nous avions beaucoup apprécié "Les Quatre morts de Marie" il y a 3 ans, a choisi dans la brillante adaptation de Cécile Leterme, de faire du Frère Laurent un conteur autant qu’un protagoniste de cette tragédie et de prendre une musique tzigane (dirigée par Nicolas Teuscher) jouée en direct pour accompagnement, les musiciens étant en permanence derrière un rideau qui permet de les apercevoir mais de ne pas empiéter sur l’action.
Et disons-le tout de suite : c’est une réussite totale. François Ha Van a su insuffler à sa troupe une énergie et une puissance scénique qui font plaisir à voir.
Version fidèle à la trame, mais loin de tout académisme pompeux, elle fait la part belle aux corps qui prennent possession de l’espace, que ce soit pour des combats (de bâtons, de couteaux ou à mains nues) ou pour des courses de Juliette d’un bout à l’autre du plateau, la même Juliette qui, du haut de son balcon, évolue sur une balançoire. Le très beau chœur de voix accompagne la pièce, rythmant tantôt avec allégresse ou avec déchirement les rebondissements du récit.
Le noir et blanc donne au début du spectacle des airs de parodie (quelques clins d’œil font sourire mais d’autres anachronismes semblent toutefois superflus pour rendre ce texte encore plus intemporel…) et l’humour est omniprésent grâce aux amis de Roméo (Gregory Corre et Guillaume Tagnati, formidables) ou à la nourrice (Victoria Erulin, facétieuse). Toujours est-il que dans la deuxième partie, celle où se joue le drame, se détache le rouge du sang qui coule à maintes reprises. Le final, porté par les chants douloureux, amène l’émotion à son maximum.
François Ha Van en artisan du théâtre a construit de bien belle façon un spectacle prenant, esthétiquement magnifique et a dirigé à merveille des comédiens plus que convaincants. Ils ont la fougue et l’exubérance de la jeunesse et parviennent à réinventer cette histoire où l’amour côtoie la guerre pour le pire.
Sylvain Savard et Julie Quesnay sont remarquables, lui de profondeur, elle de puissance, en époux Capulet. Jérôme Aubert glace le sang en Tybalt et Laurent Suire est parfait en frère Laurent, il mène le récit avec une belle humanité, à la fois avec recul en tant que narrateur et avec gravité dans l’action.
William Dentz (Roméo) est parfait en amoureux transi et nonchalant, valeureux quant il doit se battre ou voir sa belle. A lui seul, il personnifie la jeunesse actuelle. Dans le rôle de Juliette enfin, Sophie Garmilla est certainement l’une des révélations de l’année. Elle illumine le spectacle de sa présence et de son émotion. Sa prestation est à ranger dans la liste des plus belles interprétations du rôle et on lui souhaite un bel avenir.
Une très belle version de cette grande pièce du répertoire. |