Réalisé par Gilles Balbastre et Yann Kergoat. France. Documentaire.
1h44. (Sortie 11 janvier 2012).
Si l’on est nourri au lait de Pierre Bourdieu, aux yaourts des journaux "PLPL" ou "Le Plan B", au miel des films de Pierre Carles et
au nectar des émissions de Daniel Mermet, on sera en terrain de
connaissance dans ses "Nouveaux Chiens de garde", version
audiovisuelle du pamphlet éponyme de Serge Halimi.
Pour les autres, il en sera peut-être autrement. Pour leur permettre un rapide rattrapage, une mise à niveau instantanée avec leurs petits camarades spécialisés en critique virulente des médias, Froggy's Delight leur propose un programme en quelques points.
D’abord, et surtout, ils devront se procurer l’ouvrage de Serge Halimi. En quelques dizaines de pages claires et vigoureuses, ils découvriront comment les journalistes, les politiques et le pouvoir économique se mordent la queue pour pouvoir imposer à la vile multitude leurs "idées" toutes faites. Ils en apprendront de belles sur les pratiques de leurs journalistes favoris. Une fois assimilé ce pamphlet, ils devront visionner "Pas vu Pas Pris" et "Fin de Concession", les réjouissantes charges de Pierre Carles contre les médias français.
Pour finir, ça ne leur fera pas de mal de lire - ou de relire - "Le Discours sur la servitude volontaire" d’Étienne de La Boétie.
Les voilà parés pour "Les Nouveaux Chiens de garde" de Gilles Balbastre et Yann Kergoat. Ils pourront alors s’interroger sur la question du passage du livre àl’écran, en se demandant le pourquoi de la chose. Le contenu d’un film étant à peine quelques pages d’un livre, ce qui est rigoureusement argumenté sur le papier devient plus flou et moins étayé sur l’écran.
Du coup, ici, n’est-on pas obligé de se reposer sur une voix off, univoque, péremptoire et non pas sur un questionnement plus distant ?
"Les Nouveaux Chiens de garde" est une piqûre de rappel certainement nécessaire et relance le débat sur le contrôle de médias qui n’arrêtent pas de répéter, comme on le voit dans le film, que c’en est fini de la tutelle politique sur le contenu de l’information, télévisée notamment. Dorénavant, ce n’est pas l’État qui est maître du jeu, mais directement les potentats économiques qui contrôlent les journaux, et pire les âmes des journalistes.
Quand on connaît bien le travail de Serge Halimi, qu’on le respecte et qu’on se sert soi-même de ses analyses, une question brûle les lèvres, en espérant qu’il ne fera pas les gros yeux devant son incongruité : "Est-ce qu’on peut vraiment adapter aujourd’hui presque tel quel un livre écrit il y a 15 ans ?".
Ne s’est-il pas passé des choses depuis, et pas simplement le remplacement de PPDA par Laurence Ferrari ? Le succès du livre d’Halimi, et les multiples travaux sur les médias qui ont suivi, n’ont-ils pas créé un public déjà conscient de tout ce qui est ici re-dénoncé ? Internet et tous les Médiapart, Rue 89 et cie, ne sont-ils pas la preuve que les choses se sont déjàdéplacées ?
Le tir aux pigeons contre des "People" du journalisme est-il encore aussi central que ça ? Nos amis qui font corps autour de Serge Halimi ne sont-ils pas obnubilés par leur propre place dans le champ médiatique au point de voir toutes ces dérives avec une loupe grossissant leurs importances ?
Les gens sont-ils aussi dupes et dupés que le film le laisse supposer ? Pourquoi, désormais, fuient-il la grande messe de 20 heures pour trouver "Plus belle la vie" ? Cette critique n’est-elle donc pas trop élitaire ? Le public n’est-il pas manipulé désormais plus par les programmes que par les JT et les émissions politiques ? Ainsi, la fiction policière n’interagit-elle pas avec les reportages pour rendre crédible la vision de la société souhaitée par le pouvoir dominant ?
Stop ! Arrêtons-là cette rafale de questions... et attendons que le brillant aréopage responsable des "Nouveaux Chiens de garde" y réponde. Car l’intérêt d’un documentaire aussi questionnant que celui-là, c’est aussi le débat qui le suit ! |