Réalisé par Sophie Letourneur. France. Comédie.
36 minutes. (Sortie 8 février 2012). Avec Sophie Letourneur et Laetitia Goffi.
Un court qui sort comme un grand, c’est rare et ce n’est pas immérité
dans le cas de "Le Marin Masqué".
ar, s’il est court, le film de Sophie Letourneur a la saveur d’un
long et il sait ne pas perdre son temps. En dix secondes chrono, on
sera ainsi plongé dans un noir et blanc digne de la "Nouvelle Vague" avec deux voix off paraphrasant leurs propres propos d’occupantesd’une petite voiture que l’on suit agréablement pendant un trajet
Paris-Quimper, préambule alerte avant d’aller à la découverte du
fameux Marin Masqué (que d’autres appellent "Loulou", d’ailleurs).
Les amateurs de "La vie au Ranch" seront totalement comblés devant cette preuve filmée : oui, ils avaient raison d’adorer le premier long métrage de Sophie Letourneur !
Perle rare ou grosse maligne, il leur faudra encore attendre pour se faire une opinion définitive sur la phénoménale Mademoiselle Letourneur. Reste que cette jeune femme a un univers, pour écrire platement, sait ce qu’elle veut, pour parler trivialement, et a un sacré culot d’imposer à ses spectateurs son Paris-Quimper, ses choix de crêperies bretonnes et ses problèmes de constipation, pour résumer l’essentiel du contenu du "Marin Masqué".
Absolument a-générationnelle, et totalement impudique, Sophie Letourneur a quelque chose d’une autre grande Sophie (Calle) pour construire du récit sur elle-même et de la fiction sur ce qui lui passe soudain par la tête.
On ne s’ennuie jamais, on rigole souvent et on apprend des trucs aussi importants que la signification d’une crêpe jambon-oeuf "miroir". On fantasme et on se passionne pour le destin d’une serviette de bain Mickey.
Et puis, on peut constater que Sophie Letourneur a un bon esprit : aucune trace de "mépris parisien" dans sa manière de filmer les autochtones ou de parler des alentours quimpérois. Aller dans un bistrot pas terrible, ou dans une boîte de nuit qui ne vaut guère mieux, n’implique ni moquerie ni discours sur la profondeur abyssale de la province. Non, elle est bienveillante, la Sophie !
Et cette bienveillance est communicative, car, comment expliquer, alors, que ces 36 minutes, qui ne devraient avoir qu’un effet bulle de savon prête à éclater dès la fin du générique, restent longtemps en l’air avant de se transforment en vrai et agréable souvenir ?
C’est peut-être çà, le signe d’un film plus que réussi : une bulle qui n’éclate pas ...
Mention à Laetita Goffi, amoureuse du "Marin Masqué", complice alter ego de Sophie Letourneur, et qui porte si bien la casquette dans le beau plan final. |