Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Blaise Cendrars, mise en scène de Xavier Simonin, avec Jean-Jacques Milteau et Xavier Simonin.
L’épopée du général Suter, conquérant des terres espagnoles de Californie, ruiné par la Ruée vers l’Or et ses piétinements, au milieu du XIXème siècle, a fourni à Blaise Cendrars le sujet de "L'Or",un de ses textes enflammés où l’âme humaine devient charbon.
Suisse de Bâle, alors que Cendrars est né à un jet de pierre du Locle et de la France, Suter a marqué la jeune histoire américaine, illustrant le combat de l’homme seul contre tous, thème souvent repris, dans les films de Welles, par exemple.
Xavier Simonin, étonnant comédien have et possédé, s’empare du texte-fleuve, témoignant d’un métier et d’une passion contagieuse, saisissant l’attention du spectateur pour ne lui rendre paix qu’au noir de la fin. Trépidant, émouvant, saccadé, chevauché, exténué, le cavalier-comédien réinvente les phrases, leur donne relief, les passe à l’eau claire du récitatif, comme la pépite au tamis. Magnifique expérience.
A ses côtés, un musicien légendaire, l’Harmonika-Mensch, au service du poète de l’Harmonika-zug, Jean-Jacques Milteau, élégance de Jazzman et fièvre de passeur, rythme les mots de son instrument, discret, impassible, maître de son instant et du silence qu’on lui transmet.
Le duo, tout de contrastes, fonctionne à souhait. La discrète subversion de ce texte réside dans l’interrogation sur cette terre de démocratie, de droit, de désir qui demeura modèle longtemps avant de prendre du gras de ses richesses. Cette Amérique du piétinement humain, du fait accompli, du droit du plus fort, ressemble, toute jeune, à ce qu’elle est devenue, dans son crépuscule.
La cruelle phrase rapportée par Clemenceau ("l’Amérique, seul pays passé de la barbarie à la décadence sans avoir connu la civilisation") revient à l’esprit mais le texte de Cendrars embrasse aussi toute l’humanité où un homme seul ploie, avec son bon droit, devant l’intérêt, plus fort.
Le travail du trio Xavier Simonin-Jean-Jacques Milteau et Jean-Paul Tribout, servi par les lumières crépusculaires d’Alexis Kavyrchine, (et des costumes parfaitement conçus par Aurore Popineau) atteint son but : captiver, donner à rêver et à ressentir, réveiller l’imagination de l’enfance.
De l’or. |