Monologue dramatique d'après le texte éponyme de Georges Simenon, conçu et dit par Robert Benoit.
Auteur qui reste dans toutes les mémoires pour ses romans policiers, Georges Simenon s’est un jour arrêté d’écrire de la fiction pour commencer à s’interroger sur lui-même et sur les siens.
"Lettre à ma mère" est le premier de ces textes dictés au magnétophone qui vont à la fois clôturer et éclairer une des œuvres capitales du vingtième siècle.
Robert Benoît, qui avait précédemment adapté pour la scène un autre texte de Simenon, "Lettre à mon juge", poursuit son exploration des textes autobiographiques de l’écrivain belge.
Pour restituer une écriture épurée connue pour son extrême simplicité, Robert Benoît a opté pour un décor minimal : une chaise, un meuble qui peut faire office de table de nuit et l’image d’un lit à barreaux métalliques qui est parfois projeté sur scène.
Car le récit de Simenon a pour objet la dernière semaine que sa mère a passé à l’hôpital avant de mourir. Pendant ces huit jours, Simenon, revenu à Liège pour la première fois depuis cinquante ans, est face à celle qu’il n’aimait pas et qui lui rendait ce désamour.
Robert Benoît a travaillé particulièrement la diction un peu traînante de Simenon, belge devenu plus suisse que les Suisses. Ouvrant et fermant un livre-dossier qui pourrait faire office d’album de famille, il pose ses mots comme des faits, comme des pièces à conviction dans un Maigret. Le ton paraît clinique et détaché et puis, soudain, une once de reproche ou une ombre de colère pointe.
Peu à peu, sans qu’on s’en rende compte, Simenon évolue dans ses convictions : il comprend sa mère, cesse de la juger pour parvenir quelque part pas loin de l’admiration pour cette femme, digne, têtue, qui s’est murée dans le personnage des petites gens qui ne se plaignent pas, qui vivent leur pauvreté comme une ascèse.
Si Flaubert disait "Madame Bovary, c’est moi", Simenon aurait pu dire "ma mère est dans tous mes personnages". Taiseuse et orgueilleuse, cette "maman" qu’il n’appelait que "mère", a compté énormément pour cet écrivain du quotidien. En lui envoyant cette lettre, trois ans après sa mort, il en fait la découverte et, grâce à Robert Benoît, le spectateur de "Lettre à ma mère" partage ce moment d’émotion.
Simenon qui racontait si bien le théâtre de la vie acquiert sur scène lui-même une dimension tragique. Robert Benoît, dans la force de la nuance et de la sobriété, montre ici combien Simenon a saisi le sens de l’humain.
Une soirée totalement au service d’un écrivain et qui contribuera à l’élever au rang qu’il mérite, parmi les rares dont l’oeuvre ne s’effacera jamais. |