Réalisé par Dominique Choisy. France. Drame.
1h48. (Sortie 18 avril 2012). Avec Juliette Damiens, Julien Lambert et Nathalie Richard.
Dominique Choisy s’est aventuré dans un territoire peu exploré par le
cinéma français, celui d’un monde à la lisière de la ville et de la
campagne, où voisinent les déclassés du monde moderne et les derniers
ruraux enfermés dans un mode de vie sans avenir.
Ici, l’incongru
voisine avec le mauvais goût, la rancœur avec le crapuleux. Ici les fraises des bois picardes ont un parfum de sauvagerie.
Prolongeant son adolescence ingrate, Violette, fille de hobereaux ruraux, chasse le lapin aux abords d’un hypermarché. Son père a la brutalité d’un ogre campagnard et sa mère est sous son influence, entre colère résignée et neurasthénie. Dans cet univers cossu, mais rapace, suintent les secrets terribles qui conduisent au pire.
Pourquoi Violette feint-elle d’être enceinte ? On bute sur ce mot, ne feint-elle plutôt d’être "inceste" ?
À quelque distance de là, un jeune caissier d’hypermarché à figure d’ange, Gabriel, feint lui aussi. Équilibriste à double vie, il vend son corps comme dans les mélos d’antan. Ses passes, ses mauvaises passes, il les subit pour la bonne cause.
Le climat est lourd, mais Dominique Choisy le démine constamment par des éléments à côté du propos qui annulent ce qui ne pourrait que du sordide, en refusant un scénario trivial, une manière de film évident qui s’inscrirait entre Simenon et Chabrol. Au contraire, "Les fraises des bois" va tout au bout de son étrangeté illogique, jusqu’au sang, jusqu’au crime.
Quand les histoires de Violette et de Gabriel finissent par se rejoindre, surgit l’espoir d’enfin un peu (beaucoup) d’amour, en la personne de Frank, le gendarme qui aime Gabriel. Un monde où il y a des gendarmes homosexuels sans que cela prête à rire ne peut pas laisser indifférent.
C’est pour cela que le film de Dominique Choisy, plus a-réaliste que sur-réaliste, travaille le spectateur après sa vision. S’il ne répond pas à toutes les questions qu’il soulève, s’il embarque sur des fausses pistes qui devraient frustrer quantité de personnes, il laissera un écho chez ceux qui auront été touchés par le jeu aigu de Juliette Damiens et plus encore par celui de Julien Lambert.
Cet écho, c’est celui d’un cinéma totalement assumé dans ses rigidités comme dans sa poésie. Un véritable cinéma d’auteur, par conséquent... |