Comédie dramatique de Tennessee Williams, mise en scène Gilbert Désveaux, avec
Christine Boisson, Laurent d'Olce, Mathieu Lee, Alexis Rangheard et Farida Remadna.
Jean-Marie Besset, à la traduction, et Gilbert Desveaux, à la mise en scène, assurent la création en France de "Tokyo Bar", une pièce peu connue de Tennessee Williams créée en 1969.
Considérée comme une partition autofictionnelle par les deux thèmes abordés, l'angoisse de l'artiste confronté à une impossible création et l'échec conjugal, cette pièce, qui n'a pas la densité dramaturgique des opus majeurs de Tennessee Williams, met en scène des personnages archétypaux à la limite de la caricature.
Un peintre connu et reconnu, confronté au tarissement de son inspiration, alcoolique, drogué, au bord de la folie, est reclus dans une chambre d'hôtel à Tokyo ne pouvant accepter ni sa stérilité artistique ni le délitement de son couple qui en découle. Tous deux saisis par l'effroi pour des raisons différentes, lui par sa déchéance, elle par l'image-miroir qu'il lui renvoie, sont saisis d'une rage compulsive et délétère qui se décline de manière différente : elle se bat, lui se débat.
C'est dans l'espace impersonnel et vide d'un bar, dernier arrêt avant nulle part, dans un impressionnant décor conçu par Annabel Vergne, bar en béton, pouf poire Beanbag et sol tatamis dignes des architectures d'intérieur pour "Hôtels du monde" et sous le regard professionnel d'un barman nippon impertubable, très justement interprété par Mathieu Lee, qui en a vu d'autres, que l'intime de l'inexorable déliquescence de soi et et de l'inéluctable délitescence d’un amour va se consumer.
Christine Boisson, musculature nerveuse de félin, coeur au bord des lèvres, éclipse ses partenaires masculins - Alexis Rangheard, en surjeu dans le rôle du peintre ravagé et Laurent d'Olce, transparent dans le rôle anecdotique du galeriste appelé à la rescousse - ce qui opère un basculement, voire une dénaturation de l'intrigue originale.
Mais qu'importe. Dans le rôle borderline de la femme qui brûle ses dernières cartouches face aux griffes du temps qui imprime déjà son empreinte sur le corps et qui rend pathétiques les artifices compassés de la séduction que sont l'argent, l'élégance de robes vertigineusement décolletées et les gestes explicites d'un appétit sexuel suicidaire, elle est habitée, troublante... et magnétique. |