Monologue dramatique de Christian Giudicelli interprété par Stéphane Hillel. dans une mise en scène de Jacques Nerson.

Une pièce sur la vie, la mort, la vie surtout, passage bref. Chris est un enfant. Il cherche un camarade de jeu. Il trouve Pat, un peu "canaille" pour les parents de Chris, mais qui demeurera un ami pour la vie.

Le garçonnet devient jeune garçon puis jeune homme puis homme. Il rencontre Véro. On est dans le diminutif, dans l'après-guerre, vers le minimalisme. Il rêve d'écriture, surtout de devenir écrivain. Sa maitresse aime, cela la flatte.

Chris et Véro se marient - elle est athée, de gauche, elle refuse l'église, il s'incline - copulent régulièrement et puis deux enfants s'annoncent: une fille, moderne, un garçon, doué, qui se croira homosexuel et le deviendra. Entre temps, Chris est devenu maître d'école et enseigne les fables de La Fontaine à Laurent et Pierre, les enfants de l'O.R.T.F.

Adieu, rêves de gloire : il entre debout dans la répétition et l'enseignement à vie. Mohamed et Nadia - la mixité - ânonneront aussi mal "Le Corbeau et le Renard" que les anciens élèves, en rêvant d'I-Pad.

Il ne reste plus qu'à regarder ses parents mourir - un avertissement - à vieillir - un blâme - à mourir, l'exclusion définitive de l'établissement. et à laisser enfin balayer la piste de ses scories (les plus jeunes, au balais) .

"Tour de piste", le texte de Christian Giudicelli, émouvant, mémoire des humbles, raconte et reconte la vie des simples gens qui osent vivre sans grand encouragement mais avec le soleil aussi sur la peau.

C'est un auteur généreux et drôle et Jacques Nerson, le metteur en scène, un homme d'intériorité, sans doute, a laissé délicatement au comédien une liberté pleine.

Et quel comédien : Stéphane Hillel, une tête à porter favoris et haut-de-forme, des yeux qui observent et se souviennent, une voix chaude, qui s'enroule autour des mots. Un éternel jeune homme sans nostalgie - ou qui ne la montre pas - qui colle parfaitement au personnage de Chris, sait incarner une voix de femme - Véro - sans effets ridicules, avec la cruauté et la précision de la rancune conjugale, un comédien fin et racé, qui connait son métier et le donne à goûter, comme un crû.

Giudicelli a des accents d'Eyvind Johnson. C'est le peuple : de l'âme, peu d'argent et peu d'entregent, l'envie d'apprendre juste pour savoir, et son Chris enseigne comme il est enseigné : la vie le traverse.