Après L'étonnoir et Bonheur d'occasion, les Vendeurs d'Enclumes continuent avec Décadrant. Quel mot étrange... Hum... Synonyme de désencadrement, c'est-à-dire retirer un tableau de son cadre. Le message serait-il donc qu'il faut sortir du cadre ? Oui, certainement, mais pas de bol, vous n'êtes pas les premiers, je dirais même que vous êtes les derniers à en parler, depuis Socrate et ses ancêtres. Mais bon, la redondance est le secret de la mémoire, disait ma mémé !
Depuis la première formation orléanaise autour de Valérian Renault (chanteur-auteur-compositeur), le groupe s'est muté en sextette jazz de six musiciens sur scène (avec un accordéoniste, c'est ça le son haut perché et sifflant proche du désagréable à mes fragiles tympans.) Le reste est partagé entre les cuivres et les guitares de la bande son. Et au milieu, la voix de Valérian, parfois grésillante à force d'être exagérément retenue, tantôt montante, montante, montante. Un peu comme s'il chantait avec les cordes vocales collées au palais (fastoche…).
Côté textes, Vendeurs d'Enclumes peut se flatter d'une belle poésie et de tournures de phrases inhabituelles : "tu sais c'est fatiguant d'être un tyran, c'est pas rigolo d'être un salaud" ("Oui mais la nuit").
Certains reconnaîtront une âme de Brel à ce chanteur sur ces airs de "Madeleine m'a quitté l'aut'matin", façon "ce soir j'attends Madeleine", d'autres verront la joie furieuse des Têtes Raides ou de Mano Solo.
Sur scène, il semblerait que le bougre soit un sacré showman, à grand coup de gestes, de grimaces et de mimiques à la Funès. Entre rock swing et jazz, sa musique laisse la porte ouverte à toutes les fenêtres de la fête et du 12ème degré du verbe. La musette se lie au punk, le tzigane flirte avec le funk et le Klezmer frôle le blues. Quoi ? Le Klezmer ? Ben, c’est une tradition musicale des Juifs ashkénazes… Pfff, vous ne savez pas ça ? Bande de débutants !
Tout ça pour dire que les Vendeurs d’enclumes sont pour le moins singuliers dans le paysage de la chanson française, sans pour autant être marginaux. Sans être envoûtant, l'album est un bon mélange de chansons vieillotes et de recently, ce qui lui a valu le prix Georges Moustaki en 2012.
Une autre pour la route : "aux chiottes le libre arbitre, je veux qu'on me ligote à mon pupitre", "la liberté demande trop de sagesse". |