Rares sont ceux qui dans la grande famille du cinéma hors-norme peuvent s’enorgueillir d’avoir foulé le tapis rouge du Festival.
Pourtant ce cinéma des catacombes, et autres extrêmes, existe bel et bien à Cannes. Il est vivant dans les sous sols du Palais, là où, moyennant finances, tout ce vend.
Le marché du film est une caverne d’Ali Baba où les films de nobles naissances côtoient sans autre hiérarchie que celle du prix, les zombies et autres erreurs cinématographiques qui font le bonheur des éditeurs DVD. Une égalité de traitement dont personne dans les sous sols du bunker ne remet en question.
Et c’est bien là dans cette égalité devant la pellicule (pardon, le numérique a pris le pouvoir) que Julien Bétan défend ce cinéma dans son bouquin " Extrême ! Quand le cinéma dépasse les bornes".
Car le cinéma n’est pas qu’une affaire de contes de fées plus ou moins bien ficelée, c’est aussi la face cachée, cette noirceur, ce côté sombre que refuse trop souvent de voir le 7ème Art en son miroir. Un cinéma qui existe et qu’explore l’auteur du livre avec le sérieux d’un encyclopédiste.
Cette liberté, il faut en user pour découvrir au-delà du quand dira-t-on de nos grands-mères, ces films d’une autre vie. Cinéma humain aux frontières de l’animalité. Cinéma qui existe et qui a rempli en son temps quelques salles abandonnées sur les boulevards (j’en ai connu à Paris). Films d’horreurs, d’épouvantes, pornos sans saveurs, des films sans lendemain, sauf qu’ils font eux aussi partie d’une certaine histoire du cinéma.
"Otez-moi de la vue, ces films que je ne saurai voir", sauf que le public est là, curieux, voyeuriste, en voulant pour son argent (rarement d’ailleurs il sera satisfait). Et aujourd’hui avec le recul (même si il existe encore une production non négligeable), il est intéressant de se pencher en archéologue, sur ce genre multiple qui offre en publicité ses remakes comme l’équivalent de l’original. Prendre un succès et lui offrir une variante dégoulinante. S’offrir un genre que l’on revisitera par sa perversion.
Le cinéma est un tout qui offre aux regards ce drôle de prisme.
Le livre de Julien Bétan est un passeport qui ouvre les porte d’un territoire mal connu. Un espace décortiqué avec la volupté d’un vampire. Vous êtes lecteur (lectrice), témoin de cette aventure nocturne et cérébrale. Le livre se dévore et vous donne l’envie subite de courir chez le vendeur à la sauvette trouver le DVD qui fera office de première pierre à une collection inédite et indispensable.
Naturellement que le cinéma de genre, ce cinéma qui conjugue parfois, voir souvent, la violence extrême, sans retenu artistique avec la représentation sexuelle morbide dérange et happe psychologiquement quelques égarés (ils sont nombreux) qui se glosent de l’imaginaire de l’univers proposé. Il y a chez les spectateurs une démarche passive qui leur offre un écran de vie qu’ils fantasment.
C’est l’autre volet du livre. Là encore fort intéressant à plus d’un titre. L’intelligence est là, ne jamais séparer le film de son spectateur. Qui est à l’ombre de Qui ? L’osmose est complète et le public, loin d’être homogène, se révèle multiple et complexe face à ces films sombres. Films d’ailleurs qui deviennent, de par leurs langages, et la représentation qu’ils se font de la société, subversifs. Bousculant l’image satisfaisante et reconnue que l’on reproduit de la société (même dans les cas extrêmes).
Car ses films qui choquent, qui mettent mal à l’aise, que l’on refuse de voir ouvertement sont aussi la cible des censeurs sans pitié. Un cinéma chassé parce que trop loin des convenances. C’est aussi cela le cinéma de l’extrême.
Il ne faut donc pas se voiler la face, refuser de voir, il faut au contraire lire le bouquin de Julien Bétan édité chez Les Moutons électriques. Comprendre et se passionner pour cette histoire du cinéma occulte qui mérite la pleine lumière. Pas trop quand même, il ne faudrait pas que nos amis vampires disparaissent de la scène cinématographique.