Réalisé par Yann Le Quellec. France. Comédie. 32 minutes. (Sortie 13 juin 2012). Avec Serge Bozon et Rosalba Torres Guerrero.

Encore un court que l’on va traiter comme un long. Un court de 31 minutes qui vaut le déplacement dans les rues de Poitiers.. Un court en rouge et bleu (et aussi un peu en jaune) comme "Pierrot le Fou".

Mais, le papa spirituel de Yann Le Quellec n’est pas Jean-Luc Godard mais certainement un des plus méconnus des grands réalisateurs français nés sous la Nouvelle Vague, Jean-Daniel Pollet.

Comme Pollet, Le Quellec aime que ses personnages dansent. Du rap au classique, en passant par la musique des Andes de province, tout sera occasion de danser, d’autant que l’héroïne est atteinte d’un petit syndrome, moins dangereux que celui de Gilles de La Tourette, mais quand même bien gênant : dès que résonne une musique, même une sonnerie de portable ou l’orgue de la cathédrale poitevine, Colette (Rosalba Torres Guerrero) se met en transe, tournoie, vrille comme une danseuse étoile. C’est évident lourd à porter.

Dans ce film touristique, on découvrira les merveilles de la préfecture de la Haute-Vienne (notamment sa Statue de la Liberté) de l’intérieur d’un bus Volkswagen conduit par l’inévitable Serge Bozon, à qui on peut prédire une carrière d’acteur post-réalisateur à la Noémie Lvovsky.

"Chauffeur, si t’es champion appuie sur le champignon" lui crieront ses clients tout en blanc et en bobs. Pour en revenir à Jean-Daniel Pollet, on pourrait écrire qu’il y a du Claude Melki en Bozon, et les trop rares spectateurs de "L’Acrobate" comprendront pourquoi.

Amusant, subtil comme la carte d’un restaurant (avec sa ritournelle de fruits rouges et son concerto en sole meunière), pas sectaire musicalement (à condition qu’on passe Al Wilson), "Je sens le beat qui monte en moi" de Yann Le Quellec est surtout superbement filmé. Avec un toupet assumé dans ses partis pris d’en revenir à un cinéma essentiellement saugrenu où jouer du pipeau ne charme pas que les serpents...

Mention magnifiquement spéciale à Rosalba Torres Guerrero dont on espère que le cinéma français saura utiliser le physique si particulier. Reste à souhaiter bonne chance à Yann Le Quellec qui a l’audace de terminer son film par une citation ( un peu améliorée) de "Quai des Brumes".

Franchement, on aurait envie qu’il récidive dans la catégorie des "petits moyens métages" plutôt que d’aller se perdre dans le piège du premier long, qu’il s’en tienne à cette catégorie propice à la légèreté qui a si bien réussi récemment à Sophie Letourneur, Guillaume Brac ou Benoît Forgeard.

"Je sens le beat qu’il monte en moi" est une belle surprise presque estivale qui mérite d’être vu et revu. Pourquoi pas deux fois de suite ?