Texte de Nathalie Sarraute, mise en scène de René Loyon, avec Jacques Brücher et Yedwart Ingey.

Ce texte court, "Pour un oui ou pour un non", emblématique des thèmes favoris de l'écrivain - malaise dans la communication avec autrui, irrationnel aboutissant à la peur agissante - est repris au Théâtre du Lucernaire actuellement.

On se souvient de la version tournée par la télévision, au siècle dernier, avec Jean-Louis Trintignant et André Dussolier.

Le grand metteur en scène René Loyon, homme de théâtre et de compagnie, a choisi une scénographie simple : un miscroscope posé sur ces deux êtres vivants qui vont se confondre te se dissoudre.

Deux amis se retrouvent, comme souvent. Mais rien ne va plus entre eux.. Le dominant - on le comprend vite - demande au dominé : que t'ai-je fait ? L'autre, de répondre : rien. Mais ce rien masque bien des frustrations et des souffrances. Et ces amertumes de remonter à la surface, sous notre délectation voyeuse.

Nathalie Sarraute, reine du minimalisme, sait raconter, comme personne, ces histoires du vide qui touchent ses contemporains que nous sommes encore, jusqu'à toujours plus de vide.

Cette cruauté bonhomme, cette démocratie apparente, cette politique du traitement de toute souffrance, devenue anachronique, cette surveillance de toute déviance du "prêt-à-penser", ce mépris profond des déréglés de l'ordre moral validé par les autorités, le dominé les subit avec la résistance désespérée du brochet saignant par son hameçon.

Jacques Brucher et Yedwart Ingey sont tout bonnement excellents, l'un a l'élégance bourgeoise de Trintignant, l'autre l'allure d'un barde sorti de l'eau après une noyade ratée.

René Loyon les montre s'aimant, même dans ce combat inégal, même dans la haine de classe, de genre, de sorte, même dans la mort de leur attachement qui pourrait se survivre, qui sait ?

Ci-gît, deux humains, qui s'apprécièrent sur un détail et se défirent sur un autre. N'est-ce pas l'histoire futile de nos élans profonds...ou inversement ?