Dans cet opuscule qui se veut un plaidoyer en faveur des traîtres, Jacques Aboucaya comprend la trahison selon au sens large du terme. En plus de la défense de celui qui poignarde un compagnon de route dans le dos, il traite aussi de la trahison aux valeurs, à la coutume, à ce qui est généralement admis par le plus grand nombre.
Malgré son titre, ce livre ne cherche pas à justifier l'indéfendable, mais à trouver des circonstances atténuantes aux "salauds". Il ne va donc pas aborder l'art de retourner sa veste à l'aune d'une valeur morale (édictée par qui ?), mais l'auteur va expliquer une action en se plaçant dans la posture de l'isolé, du paria, du mal-intégré. C'est-à-dire qu'il va donner un alibi à celui qui adopte une opinion hors-norme. Jacques Aboucaya avance souvent l'utilitarisme comme axe d'explication, voire de défense à la trahison. Le traître, c'est ce personnage grâce à qui l'intrigue progresse. Sans trahison, le shéma thèse / antithèse / synthèse ne peut se mettre en place, interdisant le développement de l'histoire.
Il va chercher ses exemples dans l'Histoire, dans les arts, dans la politique et, bien évidemment dans la religion. Le nom de l'apôtre Judas est tellement emblématique de la trahison qu'il est devenu un nom commun. Mais rien de bien neuf sous le soleil. Ainsi, comme on le sait, l'histoire est écrite par les vainqueurs, Céline est un grand écrivain malgré ses pamphlets antisémites, le sport professionnel est le paradis des tricheurs, quant aux professionnels de la politique, ils retournent leur veste à la première occasion, qu'il s'agisse de personnages historiques ou de petits dirigeants actuels auxquels les livres de cours, dans quelques décennies, consacreront au mieux un entrefilet comme pour les Présidents de la Troisième ou de la Quatrième. On se régale néanmoins de quelques anecdotes sur Eric Besson, Edouard Balladur ou Olivier Stirn.
Les exemples donnés par l'auteur sont nombreux et variés, mais on regrette parfois l'absence de développement ou le rappel du contexte de la trahison. Lorsque celui-ci illustre son propos par certaines fables mythologiques, l'action de personnages de romans ou une histoire éloignée, il semble penser, à tort, qu'elles sont connues de tous, qu'elles font partie d'un socle de culture commun à l'ensemble de ses lecteurs. Ceci n'empêche cependant pas d'apprécier le propos, et de retourner se cultiver après avoir terminé son ouvrage.
La forme adoptée qui s'apparente à un dialogue de théâtre donne principalement la parole au défenseur des traîtres et ne permet donc pas l'équité du temps de parole, ce qui en fait bien un Eloge de la trahison. Cependant, on fera remarquer à Jacques Aboucaya que lui-même trahit le titre de l'ouvrage puisqu'en faisant parler un personnage fictif, même si celui-ci peut être abordé comme l'alter ego de l'auteur, il n'assume entièrement pas les propos tenus dans le livre. Ce petit ouvrage amusant, d'une mauvaise foi revendiquée, vous aidera néanmoins difficilement à trouver des excuses dans la vie courante lorsque vous vous comportez vous-même en beau salaud. |