Réalisé par Matthew Petock. Etats-Unis. Drame. 1h12. (Sortie 25 jjuillet 2012). Avec Sayra Player, Parker Lutz, Eric Baskerville et Chris Kies.
Quand on ronchonne, comme c'est souvent le cas dans ces lignes, sur l'absence d'un renouveau du cinéma indépendant américain qui paraît plutôt en voie de disparition que d'apparition, on ne pourra que fêter le 25 juillet, qui verra la sortie du film de Matthew Petock, et remettre ça le 1er août, date de celle de "The Color Wheel" d'Alex Ross Perry.
Dans les deux cas, on sera bien loin du cinéma américain dominant du moment, bruyant, brutal et banal dans sa routine cynique.
Avec "A little closer", Matthew Petock s'éloigne tout de suite des canons habituels en filmant une "scène de bricolage" qui tourne mal, mais qui ne va pas jusqu'au drame et surtout à l'effet dramatique.
Stephen, le plus jeune des enfants de Sheryl, ne perdra pas son œil à cause d'une fausse manœuvre de son frère Marc. Mais il devra passer l'essentiel du film avec un gros pansement et s'embarquer dans l'adolescence avec un complexe inutile de plus.
Chronique d'une famille plus amochée que décomposée, "A little closer" est l'occasion de regarder l'Amérique de l'ère Obama dans sa tranquille intranquillité. La famille que Sheryl tente de maintenir à flot n'est ni riche ni pauvre est en équilibre sur le plan social autant qu'humain.
Elle peut tomber, elle peut se maintenir. Tout va dépendre des circonstances, de la manière dont chacun de ses membres pourra avancer, pourra trouver ou retrouver le chemin du désir, pourra se persuader qu'il peut réussir à le trouver ou à le retrouver.
À petites touches justes et délicates, Matthew Petock montre comment la vie de Sheryl pâtit de tout ce qu'elle sacrifie à ses deux enfants et comment ceux-ci, inconsciemment, portent en eux le poids de ce sacrifice.
Dans d'autres temps cinématographiques, la "Sheryl" de Sayra Player aurait pu ressembler à la "Wanda" de Barbara Loden. Elle s'en éloigne parce que son désespoir est tempéré par la présence de Marc et de Stephen. Il y a en Sayra Player un vrai rayonnement capté magnifiquement par Matthew Petock qui garde sans cesse retenue et mesure pour ne pas trop en faire ni en filmer.
C'est donc un premier film parfaitement maîtrisé qui charrie tout un cinéma que l'on croyait disparu corps et bien à jamais... Un cinéma qui s'intéresse aux petits détails et travaille les visages, préfère les silences aux lourdes explications. Bref, un cinéma qui parle peu et observe beaucoup.
Pour son premier film, tourné en quelques jours avec les moyens d'une seconde du énième Spiderman, Matthew Petock dresse un tableau sensible d'une Amérique moyenne, hors les mégapoles, où l'on perçoit peut-être les vraies marques du "déclin" américain, comme dans ces scènes où la prof noire découvre l'immuable et indécrottable racisme des éternels "petits blancs" de la Virginie sudiste.
On saluera la qualité de sa direction d'acteurs qui lui permet de réussir aussi bien les scènes entre adolescents titillés par la sexualité qu'entre quadragénaires à la poursuite d'une libido vacillante.
Centrale, forte et fragile, point d'ancrage du film, on soulignera encore la performance de Sayra Parker en mère rêvant d'être aussi femme. |