Réalisé par Agnès Kokcis. Hongrie/Hollande/France/Autriche. Drame. 2h16. (Sortie 25 juillet 2012). Avec Eva Gabor, Istvan Znamenak, Akos Horvath, Lia Pokorny et Izabella Hegyi.
S'il est un film dont on n'a peur de mal parler, c'est bien "Adrienn Pal" d'Agnès Kocsis. Comment saisir tout ce que le film dit ou ne dit pas, feint ou ne feint pas, est ou n'est pas ?
Il faudrait d'abord se souvenir que les Hongrois ont un goût prononcé pour le fantastique caché dans le rien quotidien. Ceux qui ont vu, jadis, "L'esquimaude a froid" de Janos Xantus opineront du chef. Les autres auront les deux heures et quart d'"Adrienn Pal" pour s'en convaincre à leur tour.
Oser raconter la vie d'une infirmière obèse quasi mutique, mal marié avec un spécialiste de l'insémination animale, et qui travaille dans une unité de soins palliatifs, c'est déjà une prouesse en soi. Y ajouter une intrigue en pointillé dans laquelle Piroska, l'infirmière, enquête sur son passé, réel ou supposé, cela devient un numéro acrobatique qui ferait tomber beaucoup des confrères d'Agnès Kocsis.
Pour donner envie, ou faire fuir ceux qui préfèrent se gaver de pop corn devant des super-héros, on pourrait écrire qu'il s'agit ici d'une enquête à la Modiano dans l'univers de Kaurismaki. Sauf que l'enquêtrice qui se cherche au lieu de chercher n'est même pas sûre de ses faux souvenirs et que la Hongrie post-communiste n'a pas la densité de désespoir de la Finlande éthilyque.
On soulignera avant toutes choses le talent cinématographique d'Agnès Kocsis. Aucun des plans tournés dans l'hôpital ne laissera indifférent. Aucun ne fera un instant penser aux médiocres séries hospitalières. Personne ne pourra oublier ces plans où Piroska est dans la salle de contrôle des électro-cardiogrammes.
Et puis la réalisatrice filme avec justesse son héroïne : jamais elle ne la considère comme un sujet de foire. Il y a une vraie pudeur. Ses problèmes de poids, elle ne les exprimera qu'en bricolant furtivement un vélo d'appartement.
Piroska ne se plaint pas d'une vie pas gaie, elle est courageuse et pleine finalement d'une drôlerie rentrée. Elle est constamment belle dans son physique pas commode, constamment lumineuse, cette jeune femme incarnée par une actrice formidable, Eva Gabor.
Les cinéphiles se souviennent peut-être d'une autre Eva Gabor (sœur de Zsa Zsa) qui était une glamoureuse hollywoodienne. La seconde Eva Gabor n'a sans doute pas cette ambition, mais elle est une sacrée comédienne. Quand Agnès Kocsis filme son visage en gros plan, juste après qu'elle a coupé ses cheveux, on ne peut s'empêcher de penser, sans trop exagérer, qu'elle ressemble un peu à Renée Falconetti, la Jeanne d'Arc de Dreyer.
Bon, comme dans tous les films où l'on cherche autre chose que ce que l'on ne cherchait pas vraiment, on n'en saura finalement pas beaucoup plus sur Adrienn Pal. Était-elle la copine de Piroska au CM1 avant de déménager ?
Pas un spectateur qui aura aimé "Adrienn Pal" d'Agnès Kocsis ne se posera ni ne résoudra cette question futile.
En revanche, restera en lui le sentiment d'avoir partagé plus de deux heures de la vie d'une humble hongroise, d'une femme qui a bien le droit de manger une glace si ça lui chante. Il sera bien temps pour elle d'aller rejoindre le front, celui de la mort et du bip bip ininterrompu des électro-cardiogrammes |