Tirés de la vie et de la mémoire de l’auteur, comme de son imaginaire, ces chroniques rassemblent des textes courts, poèmes, dialogues et récits d’hier et d’aujourd’hui.
La plupart se passent sur les routes de l’Ouest, dans la Californie du Sud où l’auteur a grandi ou dans des motels miteux au fil de ses pérégrinations. Les routes y sont dures, tantôt brumeuses ou enneigées mais toujours hostiles. Il y croise des échantillons humains qu’il n’épargne guère.
On retrouve le dramaturge d’une quarantaine de pièces (de "Fool for love" à "Simpatico") et scénariste ("Paris, Texas" entre autres), fin observateur de ses contemporains avec un ton qui peut être sarcastique ou morbide, quand il n’est pas carrément désenchanté.
Sam Shepard a le talent de faire naître en quelques lignes une ambiance et des images souvent fortes, à dominante sépia, des paysages rocailleux comme les ruines d’un passé qu’il revisite, peuplé des fantômes réincarnés d’une jeunesse intrépide entre "Easy rider" et "La fureur de vivre".
La traduction de Philippe Aronson respecte parfaitement le style direct et très parlé de l’auteur qui croque, au fil de ses vagabondages, un portrait sans concession de l’Amérique de la fin du vingtième siècle.
Sam Shepard, dans ces textes détaillés mais qui bifurquent soudain dans une poésie surréaliste ou une étrangeté à la David Lynch, livre des moments d'intimité (comme la fierté du sang indien qui coule dans ses veines) et démystifie son personnage de cow-boy au cœur dur, star de l’écran dans les années 80 avec "L’étoffe des héros".
Il y montre également une tendresse rarement aussi présente dans ses pièces et une mélancolie persistante qui affleure tout au long de ces 350 pages. Avec franchise, le baroudeur solitaire lève le voile sur une vie où contrastent les fastes du show-biz et son cortège de superficialité, et l'authenticité, enracinée dans la ruralité et les grands espaces de l'Ouest américain.
Véritable kaléidoscope aux chroniques disparates mais qui forment, rassemblées, la fresque réelle et désabusée d'une époque révolue et d'une carrière étonnante, "Chroniques des jours enfuis", passionnant, se révèle truffé de pépites qui étincellent au détour des pages, émouvantes ou drôles. |