Comédie dramatique de Ben Jonson, mise en scène de Nicolas Briançon, avec Roland Bertin, Nicolas Briançon, Anne Charrier, Philippe Laudenbach, Pascal Elso, Barbara Probst, Matthias Van Khache et Yves Gasc.
Si l’on se plaint souvent qu’il n’y a pas assez de théâtre dans le théâtre actuel, que le minimalisme y est préféré au spectaculaire, que les textes littéraires y ont remplacé les œuvres du répertoire, et que les acteurs n’y sont souvent que les marionnettes de la mise en scène, on se doit de courir au Théâtre de la Madeleine.
On y verra du théâtre, du vrai théâtre capable de séduire un spectateur à la recherche d’un divertissement haut de gamme qui s’appuie sur des comédiens chevronnés dont le registre peut aller de la farce à l’émotion.
En adaptant "Volpone", la plus célèbre des pièces de Ben Jonson, Nicolas Briançon a voulu lui donner une dimension universelle sur le pouvoir de l’argent. On y découvre trois oiseaux de malheur prêts à toutes les bassesses et les ignominies pour capter l’héritage d’un vieillard richissime qui joue les moribonds pour mettre leur avidité en concurrence et leur soutirer leurs biens les plus précieux.
Sans se priver de faire rire, Nicolas Briançon a privilégié le duo Volpone-Mosca, pour montrer le rapport complexe du maître et de l’élève, l’implacable logique qui conduit le second à surpasser le premier.
Dans la plus célèbre version cinéma de "Volpone", celle de Maurice Tourneur, Louis Jouvet était un Mosca machiavélique, manipulant les uns et les autres jusqu’à une apothéose finale qu’on ne révèlera pas. Nicolas Briançon joue un Mosca plus subtil, plus tourmenté aussi, face à un Roland Bertin, incarnant un Volpone moins méchant et plus humain que ne l’était Harry Baur dans le film.
Pour quitter le terrain de la farce spécifiquement vénitienne vue par le prisme du théâtre élisabéthain, il a demandé à Pierre-Yves Leprince de construire un décor monumental, plein de surprises, qui n’évoque qu’épisodiquement la ville des Doges et à Michel Dussarat de concevoir des costumes très raffinés qui mêlent plusieurs époques postérieures à l’époque baroque.
Rythmés par des musiques de Nino Rota, celles du "Parrain" notamment, animés par des danseurs émérites, toutes ailes déployées, éclairés subtilement par Gaëlle de Malglaive, les morceaux de bravoure s’enchaînent et permettent à chacun des comédiens d’habiter son personnage.
De la jeune première, Barbara Probst, digne descendante de la dynastie Casadesus, à Yves Gasc et Philippe Laudenbach, portant en experts plus d’un demi-siècle de théâtre, on ne pourra louer que la richesse d’une distribution dans laquelle éclate une fois de plus le talent hors norme de Roland Bertin.
Doublement bien servi par son partenaire-metteur en scène, il franchit en virtuose les limites du cabotinage pour rebondir dans l’émotion la plus maîtrisée et proposer ainsi un Volpone qui devrait faire date. |