Réalisé par Anca Hirte. France/Roumanie. Documentaire. 1h26. (Sortie 19 septembre 2012).
Sur les tableaux ou sur les photos, on voit toujours Jeanne d'Arc, Bernadette Soubirous ou Thérèse de Lisieux figées dans un sourire bienveillant, plein de bonté, dans l'attente de la grâce ou de l'extase divine.
Le croyant ou l'agnostique, qui se risquera à aller voir "Téodora Pécheresse" d'Anca Hirte, documentaire consacré - au sens presque religieux du terme - à une jeune fille roumaine qui va prendre le voile dans un couvent orthodoxe, découvrira ce que devaient être au quotidien la Pucelle d'Orléans, la petite Bernadette et la bienheureuse Thérèse Martin.
En suivant méthodiquement les quelques jours qui précèdent sa prise de vœux, en montrant constamment la jeune Téodora radieuse de timidité, en ne posant aucun jugement, en ne fournissant aucun élément qui expliquerait son choix de vie, Anca Hirte donne à son spectateur de quoi nourrir, au moins pendant 86 minutes, sa réflexion métaphysique.
Même le plus hérétique ou le plus hermétique au fait religieux sera obligé de se questionner : qu'est-ce qui habite cette jeune fille qui ne paraît être ni une illuminée ni une cinglée ?
À l'aube d'un millénaire qui n'en a visiblement pas fini avec les croyances, les vieilles croyances, "Téodora Pécheresse", par son minimalisme, par la simplicité de son récit, oblige à penser le religieux. Tout ce décorum, toutes ces procédures, tout ces rites sont-ils l'expression ultime d'une superstition ancestrale ? Qu'une jolie jeune fille donne son consentement à une non-vie trépidante et consente à un enfermement volontaire signifie-t-il qu'elle soit d'une quelconque façon conditionnée par son milieu, par son environnement ?
La détermination de Téodora force le respect et a quelque chose de vraiment cinématographique. D'ordinaire, le cinéma aime les héroïnes de Dieu qui partent au supplice ou qui sont la risée des incrédules. Ici, c'est tout le contraire : Anca Hirte décrit la montée à la joie de celle qui se donne à Dieu. Se sachant filmer, Téodora pourrait surjouer son engagement. Au contraire, en bonne actrice de sa cause, elle est dans une retenue qui ne cherche pas le prosélytisme.
Ce qui n'aurait pu être qu'un documentaire de plus est donc un vrai moment de cinéma, qui saisit des instants rarement saisis.
À l'heure où les débordements religieux de toute nature et de toutes confessions incitent à reprendre le mot de Lénine sur la religion "comme opium du peuple", le film d'Anca Hirte oblige à penser que la religion peut être autre chose que l'expression de la violence, du fanatisme et du repli identitaire.
Une leçon de tolérance portée par le beau visage de Téodora, tout sauf pécheresse... |